publié dans la revue « Grand Lille Avocats » mars 2013
La jolie pâture en lisière de votre propriété est ornée d'un panneau d'affichage indiquant une prochaine construction. Faut-il se désespérer ou existe-t-il des moyens de s'opposer à ce que vous considérez comme une atteinte à vos droits ?
On précisera préalablement que toutes les « constructions » ne nécessitent pas un permis de construire, certaines réalisations de moindre importance relevant du régime de la déclaration préalable de travaux.
Dans les deux cas (permis de construire ou déclaration de travaux) l'autorisation accordée est contestable.
Dans quel délai ?
Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas la date de délivrance de l'autorisation qui déclenche le célèbre délai de deux mois pour engager un recours contre cette dernière mais la date du premier jour d'une période continue de 2 mois d'affichage sur le terrain.
Même si les autorisations d'urbanisme doivent être affichées en mairie, c'est désormais seul l'affichage sur le terrain qui conditionne le point de départ de ce délai.
Pour être opposable aux tiers (les voisins, les associations de défenses de l'urbanisme ou de l'environnement) cet affichage doit répondre à certaines conditions très strictes fixées dans le code de l'urbanisme : la mention du permis de construire ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, lisible depuis le voie publique, dans le respect de mentions obligatoires précises (références du permis, de l'identité du bénéficiaire, de la nature du projet, de la superficie du projet.....). Il doit surtout mentionner de façon très précise les conditions, délais et voies de recours.
Le juge compétent et les procédures applicables
C'est le juge administratif, plus précisément le tribunal administratif territorialement compétent pour le lieu de délivrance du permis (pour le Nord Pas-de-Calais, le tribunal administratif de Lille), qui est compétent. Attention, il n'examinera que la stricte légalité et non son opportunité (perte de vues, d'ensoleillement etc...)
En dehors du recours gracieux, facultatif et exercé auprès de l'autorité administrative qui a délivré le permis et lui demandant de retirer ce permis, la procédure normale est celle du recours en annulation, appelée « recours pour excès de pouvoir ». Pour cette procédure, le tribunal administratif statue en formation collégiale (trois juges et un rapporteur public), l'audience publique se déroulant après plusieurs échanges de mémoires écrits entre le requérant (personne qui conteste le permis), l'autorité administrative qui a délivré le permis (le plus souvent la commune) et le bénéficiaire du permis. Le tribunal rend alors un jugement, qui est exécutoire, et susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel compétente dans un délai de deux mois également.
Mais cette procédure, dite « au fond » est longue (plus d'une année) et n'est pas suspensive des travaux d'exécution du permis de construire qui peuvent commencer. C'est pourquoi les justiciables disposent d'une procédure incidente (c'est-à-dire qui ne peut être introduite que si la procédure principale, c'est-à-dire le recours en annulation a été elle-même introduite), la procédure dite de « référé - suspension », dont l'objet est précisément dans un très bref délai d'obtenir la suspension des travaux jusqu'à ce que le juge du fond statue définitivement sur la requête en annulation. Cette procédure doit être utilisée dès (mais seulement si) les travaux commencent matériellement. En effet, l'une des conditions pour obtenir la suspension d'un permis est de démontrer « l'urgence » et cette dernière n'est acceptée par le juge qu'à cette condition. L'autre condition consiste à réussir à convaincre le juge des référés qu'il existe un « doute sérieux » quant à la légalité du permis, ce qui revient en fait à reprendre les arguments développés dans le recours en annulation.
Cette procédure est très rapide (mise à l'audience en général 15 jours après la saisine du juge) et se déroule devant un juge unique après un échange d'écritures entre les parties, et une audience publique ou les parties peuvent développer longuement, à l'oral, leur position. Le juge des référés rend dans les jours qui suivent une ordonnance.
Théoriquement, ces procédures sont dispensées du ministère d'avocat, mais en pratique, compte tenu des difficultés techniques des règles d'urbanisme et des règles procédurales, il est vivement recommandé de recourir à un avocat et même un avocat disposant d'une expérience en ce domaine.
La notification obligatoire
Par exemple, à l'appui de ce qui vient d'être dit, il existe une particularité procédurale propre aux recours contre les autorisations d'urbanisme, prévue par le code de l'urbanisme (article R 600-1) et relativement peu connue, en tout cas des non-spécialistes, qui est celle de la notification obligatoire car « tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable...»
Les conséquences d'une suspension ou d'une annulation
Le juge du fond (recours en annulation) peut annuler le permis et cette annulation fait disparaître rétroactivement le permis qui est réputé n'avoir jamais existé. Le juge des référés peut suspendre le permis de construire jusqu'à la décision du juge du fond.
Dans les deux cas les travaux doivent immédiatement etre stoppés.
L'action devant le juge judiciaire en troubles anormaux de voisinage
Même si les procédures devant la juridiction administrative n'ont pas été exercées ou n'ont pas abouti (rejet de la requête), l'existence d'un permis de construire n'empêche pas la possibilité d'une action cette fois en simple indemnisation des troubles anormaux de voisinage, c'est-à-dire de l'indemnisation du préjudice anormal résultant du voisinage de la construction autorisée. Cette action se fait cette fois devant le juge judiciaire.