Question posée:
Un contrat par lequel une commune confie à une entreprise l'organisation de la fête municipale annuelle est-elle un contrat portant délégation de service public ? Quelles seraient les conséquences de ce régime juridique particulier ?
Solution par le professeur MANUEL GROS
I - Le contrat est-il un contrat de délégation de service public ?
La nature des missions confiées à un organisateur de manifestations de ce type relève vraisemblablement d'une convention de délégation de service public. En effet, quelque soit le libellé du contrat, il s'agit de confier à un tiers l'exécution d'un service public (la fête de la commune). Qu'il s'agisse de la conception "artistique", du montage commercial et technique, ou de la coordination et du suivi de la manifestation, les missions confiées sont en fait souvent la prise en charge quasi intégrale de la fête par ladite société.
En outre, dans ce type de conventions, il y a souvent prise en compte de l'assurance vis-à-vis des tiers par la Ville ainsi que la couverture des dommages subis et causés par les collaborateurs occasionnels et bénévoles, reconnus par la jurisprudence comme « collaborateurs occasionnels du service public » (par exemple CE Ass. 22 nov. 46, Commune de Saint-Priest-la Plaine, R. 279, pour un feu d'artifice). Nous sommes donc en présence d'un service public municipal (la fête) confié à un tiers par contrat, c'est-à-dire typiquement une convention de délégation de service public régie par la loi 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin, intervenue pour consolider le régime suggéré par les avis du Conseil d'Etat des 7 octobre 1986 et 7 avril 1987, repris par la loi du 6 février 1992.
II - Le régime juridique applicable
Les dispositions applicables varient en fonction du montant réel du contrat :
- Si le contrat n'excède pas 700 000 F.: dans ce cas, en vertu de l'article 41 de la loi Sapin (tel que modifié par l'article 70 de la loi du 8 août 1994, puis remodifié par l'article 5 de la loi du 8 fév. 1995), certaines formalités sont allégées, mais elles restent soumises à l'article 40 de la loi et à l'obligation de publicité préalable. Le décret 95-225 du 1e mars 1995 impose le respect d'un délai de 15 jours à compter de la date de publication.
- Si le contrat excède 700 000 F.: il est alors soumis à l'intégralité des dispositions de la loi, notamment celles de la procédure instituée par l'article 38 de la loi, imposant une procédure de publicité par l'autorité délégante : établissement d'une liste de candidats admis à présenter une offre, adresse à chacun de ceux-ci d'un document défroissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations, envoi des offres par les candidats, choix par une commission (dont la composition varie selon la collectivité), au terme de négociations, du délégataire.
Pour les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, en vertu de l'article 42 de la loi, seule l'assemblée délibérante peut décider du principe d'une délégation de service public. En vertu de l'article 44 de la loi, la collectivité ne peut se prononcer qu'après un délai de deux mois à compter de la saisine de la commission d'attribution, ce qui impose la prévision suffisamment à l'avance de ladite délégation. La négociation directe (article 45) n'est possible qu'en l'absence d'offre après mise en concurrence.
En conclusion, sauf à prendre en charge directement l'organisation de leurs manifestations, les collectivités doivent être vigilantes quant au respect des conditions de passation de telles conventions.
« Délégation de service public », Manuel Gros, Droit et patrimoine, octobre 1996, p. 40