"Fonctions manifestes et latentes du détournement de pouvoir"

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Apparu en 1860 et réellement consacré par les deux arrêts Pariset et Laummonier-Carriol rendus le même jour en 1875, le détournement de pouvoir est souvent considéré comme un seul contrôle de moralité, dans la sanction de l'illégalités des buts poursuivis. Or, le détournement de pouvoir se révèle plus subtil que la simple utilisation d'un pouvoir pour un but personnel, privé ou étranger à l'intérêt général.

Il n'en apparaît pas moins comme un vice subjectif de l'acte ou du comportement administratif, induisant un contrôle de même type de la part du juge.

A ces composantes intrinsèques s'ajoute son absence de fondement textuel, fort logiquement puisqu'aucun texte ne peut raisonnablement présumer une utilisation détournée des pouvoirs qu'il prescrit. Comme le rappelait le Président Odent:

"Aucun texte particulier ou général n'y a jamais et ne peut y faire allusion. La notion de détournement de pouvoir est purement doctrinale et prétorienne; elle est en conséquence, souple, fluide et essentiellement évolutive" (ODENT, Contentieux administratif, Les cours de droit 1976-1981, fasc.VI, p.2012).

Le détournement de pouvoir est à ces titres un cas d'ouverture particulier du recours pour excès de pouvoir: non doté de la qualité de moyen d'ordre public, comme laissant aux juges une appréciation trop incertaine pour pouvoir être soulevée d'office, particulièrement difficile à prouver puisque c'est une abstraction (un but, un motif) qu'il faut démontrer, souvent réellement révélé a posteriori, dans la réalisation effective des intentions présumées de l'auteur, il est enfin inconfortable à retenir pour l'administrateur-juge puisqu'il revient à censurer les intentions mêmes de l'auteur.

La tentation est trop grande en conséquence de considérer qu'il connaîtrait un déclin certain: particulièrement développé entre le début du XXème siècle et la seconde guerre mondiale, le détournement de pouvoir semble être plus discret dans la jurisprudence explicite depuis. Pourtant il reste fréquemment soulevé par les requérants et est loin d'être inexistant.

Il semble en fait connaître deux fonctions distinctes et complémentaires. La persistance de sa fonction manifeste de sanction expresse d'une illégalité de motifs semble aujourd'hui soumise à de strictes conditions (I), mais sa fonction latente de moyen implicite d'annulation paraît tout aussi sinon plus efficiente que la première (II).

à lire la suite dans la Revue de Droit Public, 1997, n°5, pp. 1239 à 1253

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Publié le 03 février 2010