De la nécessaire distinction entre les divers domaines publics de l'Etat

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Doit-on parler du domaine public de l'Etat ou des domaines publics de ce dernier ? L'intérêt économique du régime juridique de l'occupation des nombreuses dépendances relevant juridiquement du domaine de l'Etat conduit naturellement les professionnels comme les membres de la doctrine à gloser sur la question.

Les opérateurs de réseaux divers, notamment de fibres optiques, développent une thèse de l'unicité nécessaire du régime juridique des domaines publics nationaux, notamment domaine public fluvial et domaine routier au nom d'une prétendue violation du principe d'égalité de traitement.

Le raisonnement utilisé se fonde sur une erreur initiale, savoir qu'une discrimination de tarif n'est illicite que pour le même service, en l'espèce l'utilisation du même domaine. C'est d'ailleurs le sens réel de l'arrêt Sipperec (CE 21 mars 2003, AJDA 2003 p. 1935), qui sanctionne une différence non justifiée – au sein du seul domaine public routier – entre autoroutes et routes. A la lecture de l'arrêt ainsi que des conclusions rendues par le commissaire du gouvernement dans cette affaire, le montant spécifique au domaine routier retenu pour les routes nationales, départementales et communales n'avait pas été contesté. En d'autres termes, ce qui serait violation du principe d'égalité serait une discrimination entre occupants (placés d'ailleurs dans une situation juridiquement comparable) du seul même domaine, au cas de l'espèce Sipperec, du domaine routier. Une différence de traitement entre occupants de deux domaines différents est par contre naturellement parfaitement licite et même cohérente.

Le domaine fluvial de l'Etat par exemple est en effet juridiquement (et matériellement aussi) différent du domaine routier ou ferroviaire. Il en est pour preuve l'existence d'un code spécifique du «domaine public fluvial et de la navigation intérieure ».

Cette distinction vient d'ailleurs d'être consacrée à nouveau par le législateur. Ainsi l'article 25 de la loi du 9 juillet 2004 inscrit un article L. 45-1 du code des postes et communications électroniques, rédigé comme suit : « Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage sur le domaine public routier [...] Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier, lorsqu'elles donnent accès à des exploitants de réseaux de communications électroniques, doivent le faire sous la forme de convention, [...] La convention donnant accès au domaine public non routier ne peut contenir [...]. Un décret en Conseil d'Etat détermine le montant maximum des redevances assorties à l'occupation du domaine public non routier ».

Ce projet de décret est aujourd'hui très avancé et consacre la distinction - à tout le moins sur le plan du régime tarifaire de l'occupation - des divers domaines publics de l'Etat.

Il existe donc bien au moins deux domaines publics de l'Etat, le domaine routier et le domaine non routier, chacun ayant ses propres règles Or l'existence d'une réglementation spécifique constitue l'essence même d'une «différence objective de situation juridique»: il ne saurait par définition y avoir discrimination illicite entre usagers et tarifs de deux domaines juridiquement différents.

Les principes de la domanialité publique (et non du domaine public) sont l'inaliénabilité, l'insaisissabilité et l'imprescriptibilité. L'unité ou unicité n'en est pas un, même associée au domaine d'une collectivité précise (Etat ou collectivité ou établissement public).

La prétendue unicité du domaine de l'Etat associée au principe d'égalité, si elle pourrait avoir un fondement économique du point de vue des occupants, n'en a pas du point de vue théorique.

AJDA, 24 octobre 2005, n° 36, p.1977

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Publié le 02 février 2010