Droit minier : de l'expropriation pour cause d'économie publique !
L'Etat n'est pas responsable de l'intégralité du préjudice causé aux habitants d'une cité minière expulsés à raison des risques d'affaissements miniers, quand il utilise la procédure d'expropriation spécifique de l'article 95 du code minier, alors que le même code prévoit une règle générale de responsabilité du fait de l'activité minière.
Voilà ce qu'a jugé récemment le Conseil d'Etat dans un important arrêt de section en date du 17 juillet 2009 (n°288559, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie/M. Becker).
En octobre et novembre 1998, des fontis (excavation remplie d'eau liée à une dégradation progressive avec remontée jusqu'à la surface, liés à l'exploitation des mines de fer) sont apparus sur des terrains de la Cité Curel à Moyeuvre-Grande. Le préfet de la Moselle a pris le 15 mars 2001, sur le fondement de l'article 95 du code minier, un arrêté déclarant d'utilité publique l'acquisition par l'Etat des propriétés concernées ; une quarantaine de propriétaires expropriés, estimant que la procédure d'expropriation était lésionnaire par rapport aux indemnités prévues par l'article 75-3 du code minier saisissaient le tribunal administratif de Strasbourg de demandes tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser des sommes égales à la différence entre le montant des indemnités d'expropriation qui leur avaient été versées et celles qui auraient résulté, selon eux, de l'application de l'article 75-3. Par un jugement du 10 juillet 2003, le premier juge rejetait ces demandes comme non fondées. Ce jugement fut annulé par un arrêt lapidaire de la cour administrative d'appel de Nancy du 17 octobre 2005 qui lui, jugea que les demandes de première instance étaient portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Bien que bénéficiaire des positions des juges du fond, le ministre se pourvut en cassation.
Ce premier point pourrait paraître secondaire dont la rédaction lapidaire du considérant de principe de l'arrêt. Toutefois, le rapporteur public rappelle dans ses conclusions que cette question avait justifié le renvoi de l'affaire devant la section du contentieux. Il consacre de longues et éclairantes conclusions sur la possibilité pour une partie pour laquelle une décision ne fait pas grief, c'est-à-dire pour une partie qui ne succombe pas, de présenter un pourvoi en cassation. Il propose une solution audacieuse et dans l'intérêt sans doute d'une bonne administration de la Justice. Le rapporteur public a été suivi par la section.
Une autre question, cette fois de compétence, a fait l'objet d'un examen attentif. En effet, par un « arrêt qui tient en sept lignes », la Cour administrative d'appel de Nancy, jugeait que le préjudice relevait d'une « emprise », et qu'il « n'appartenait qu'aux juridictions judiciaires de connaître du litige ainsi soulevé ». Suivant son rapporteur public, la section annula cette position pour erreur de droit en considérant que « il appartient au juge administratif de juger de la légalité des actes administratifs qui autorisent la dépossession d'une propriété privée à caractère immobilier ».
Au-delà de l'admission de la recevabilité du pourvoi ministériel et du rappel de la compétence de l'ordre de juridiction, cet arrêt mérite, sur le fond, une réelle analyse, qui intéresse à notre sens plus que le strict domaine minier. Prise en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, si elle rend une solution apparemment juridiquement cohérente (I), cette décision est sans doute discutable au regard des principes d'indemnisation du préjudice (II).
I- Une solution apparemment cohérente dans la distinction du dommage minier et du risque Minier
Un raisonnement cohérent au titre de la lettre du code minier.
A la suite de la réforme du code minier par la loi de 1999 , il existe en effet deux procédures distinctes d'indemnisation des victimes immobilières de l'exploitation minière : celle de l'article 75 - 1 du code minier, répertoriés dans le registre de l'indemnisation des « sinistres » miniers en général, et la procédure particulière d'expropriation de l'article 95 du même code en matière cette fois de « risques » miniers. L'un des premiers apports de la décision commentée est de consacrer précisément la distinction du champ d'application des deux articles : « les dispositions de l'article 75-1 du code minier, qui ouvrent aux victimes de dommages causés par l'activité minière une action (...), ont un objet distinct de celles de l'article 95 qui tend à permettre l'expropriation de biens exposés à un risque minier menaçant gravement la sécurité des personnes. »
On l'aura compris, l'État ayant choisi la procédure d'indemnisation liée à l'expropriation de l'article 95, sans doute moins avantageuse pour les victimes, les requérants de première instance contestaient la non-application de la procédure « générale », c'est-à-dire de la procédure classique de responsabilité du fait des activités d'exploitation minière. Si le tribunal administratif avait rejeté cette analyse en considérant qu'il n'y avait pas de faute de l'État à faire application de la procédure particulière de l'article 95, la Cour administrative d'appel de Nancy n'examina pas la question en s'estimant, on le sait, incompétente. Le rapporteur public, s'appuyant sur l'avis du commissaire enquêteur - lors de l'enquête publique d'expropriation - écarta l'applicabilité des dispositions de l'article 75-1 en considérant que si « certains affaissements sont intervenus à proximité immédiate des maisons (...) aucune n'a été victime d'un dommage attribué au fontis et le fait d'être évacué à cause des risques de la zone ne constitue pas un dommage minier au sens du code » .
Cette analyse, fondée sur une apparente matérialité (le risque est un dommage qui ne s'est pas matériellement réalisé) est aussi celle de la section du contentieux qui juge « qu'il résulte également de ce rapport que les fontis n'ont pas provoqué de dommages sur les immeubles de la cité Curel ; que les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle n'aurait pu faire légalement application des dispositions de l'article 95 du code minier »
Conceptuellement fondé sur la distinction entre le sinistre (réalisé) et le risque (non réalisé) et reposant sur une absence formelle de déclaration de « sinistres miniers » le raisonnement suivi par la section sur recommandation de son rapporteur public paraît a priori incontestable.
Un raisonnement discutable au regard de l'esprit :
Si l'on ne peut qu'adhérer à la précision sémantique chirurgicale de la section du contentieux dans la distinction entre dommage minier et risque minier, l'on ne peut que s'interroger sur le raisonnement consistant à exclure l'application cumulée des deux principes d'indemnisation d'une part, et relativiser malgré tout dans l'esprit la distinction entre dommage et risque, d'autre part.
Allant très loin dans les conséquences de la distinction, la Haute Assemblée juge aussi que l'utilisation exclusive de l'article 95, sans aller chercher s'il est nécessaire d'appliquer également et cumulativement l'article 75, est conforme au texte .
Mais tout en admettant la distinction de principe entre le risque minier, qui n'est pas constitué, et le dommage minier qui est constitué, et si l'on peut admettre également que l'existence des dispositions de l'article 75-1 du code minier n'interdise pas la mise en application de l'article 95, on peut penser aussi que les articles 75-1 et 95 pouvaient recevoir une application cumulée, dans l'hypothèse où il existe à la fois un risque (article 75-1 et suivants) et un dommage (article 95). Or si la section semble tirer de l'instruction l'absence de dommage constitué , cette appréciation est très discutable dans la mesure où des fontis étaient apparus et même si le fondement de l'indemnisation pouvait être celui du risque, il pouvait aussi prendre celui du dommage.
Une telle distinction entre dommage et risque n'est en effet pas si évidente dans le code minier. Ainsi, à titre d'exemple, l'article 91 , relatif à la permanence de la police des mines, qui est lui-aussi distinct des dispositions des articles 75 suivants, amalgame, d'une certaine manière, les concepts de risque et de dommage en évoquant précisément «les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l'article 79, pour faire cesser de façon générale les désordres et nuisances de toute nature engendrés par ses activités, pour prévenir les risques de survenance de tels désordres ». Or l'article 91 fait partie de la Section 1 :(« De l'arrêt des travaux miniers ») du Chapitre III (De l'arrêt des travaux miniers et de la prévention des risques) : ainsi faire cesser des « désordres et nuisances » relève du même chapitre que de « prévenir les risques de survenance de tels désordres ». La distinction exégétique du dommage et du risque, en matière minière, relève sans doute un peu de l'équilibrisme !
De même la double distinction byzantine - présente il est vrai dans le texte du code minier en sa rédaction modifiée en 1999 à des fins sans doute d'atténuation de la responsabilité de l'État - entre ce qui est minier et qui ne l'est pas, et ce qui est un risque et non un dommage n'apparaît pas si évidente. La motivation surabondante de l'arrêt commenté est peut-être révélatrice d'un certain malaise.
II- Une solution discutable dans l'omission de causalité adéquate et de la réparation intégrale du préjudice.
Au fond, il est possible de se demander si la solution dégagée par la section du contentieux n'est pas tout simplement contraire au principe de réparation intégrale du préjudice au regard de la règle de la causalité adéquate d'une part, et si dans ces conditions le refus d'admettre la faute du service de l'État n'est pas contestable d'autre part.
Le refus d'appliquer le principe de la réparation intégrale du préjudice et celui de la causalité adéquate.
La section élimine, suivant également en cela le rapporteur public l'indemnisation, convoquée maladroitement sans doute, sur le fondement de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales . Le rapporteur public se référait expressément à une jurisprudence précédente du conseil d'État , à propos des dispositions de l'article 75-3 du code minier. Mais ce parallèle avec l'article 75 - 3 paraît inopérant : ce dernier article n'est effectivement pas contraire à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen au niveau de l'atteinte au droit de propriété ni à l'article premier du protocole additionnel numéro un de la Convention européenne des droits de l'homme du point de vue d'une atteinte disproportionnée toujours aux propriétés. Mais telle n'est pas la question qui était réellement posée à la Haute Assemblée dans notre espèce: celle en fait du caractère juste de l'indemnité au sens des mêmes dispositions constitutionnelles et conventionnelles. Ainsi, la validation de l'acte attaqué, sans doute parfaitement fondée au regard des dispositions conventionnelles sur la question de l'atteinte au principe de propriété, est discutable au regard d'un principe général de droit, celui du principe de réparation intégrale du préjudice.
De cette manière, la Haute Assemblée aurait parfaitement pu considérer que l'article 1er du protocole additionnel n'avait pas été respecté : le rappel de l'indemnisation « dans les conditions prévues par la loi » fait directement référence en droit français au principe de réparation intégrale évoqué à l'article L 13-13 du code de l'expropriation. Si besoin était l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (« juste et préalable indemnité ») aurait pu être convoqué. Ainsi, la formulation selon laquelle les dispositions de l'article 95 « ne portent pas au respect des biens des propriétaires concernés une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi » est sans doute un peu rapide.
Il est en effet indiscutable que le mécanisme d'indemnisation de l'article 95 était moins favorable que celui relevant de l'application des dispositions des articles 75-1 et suivants. Dans ces conditions, au nom du principe de réparation intégrale du préjudice, il y a quelque chose d'insatisfaisant dans la décision commentée.
Car de quel préjudice s'agit-il ? Le préjudice se limite-il à l'indemnisation de l'immeuble ? En expropriation sans doute, mais se pose alors la question de la causalité adéquate : le préjudice subi par les requérants résulte t-il de l'expropriation en elle-même ? À l'évidence non : le préjudice subi résulte de l'exploitation minière. Sans cette dernière, point de fontis, sans fontis, point de risque, point d'arrêtés d'évacuation ....Ne pourrait-on pas considérer dans ces conditions que risque et dommage - en matière minière - sont une seule et même chose ? Dans la théorie de la causalité adéquate, parmi les faits générateurs du dommage, le juge retiendra comme cause du dommage celle qui avait une vocation particulière à créer le dommage et conduit à identifier un événement comme la cause déterminante ou génératrice d'un dommage lorsque, d'après “le cours normal des choses, il avait une vocation particulière à provoquer ce dommage” Ne pourrait-t-on également considérer que le risque minier, fondement de l'expropriation, porte déjà en lui le dommage minier ?
Tel est bien le cas en l'espèce; c'est bien l'exploitation minière et ses conséquences qui portait en elle la probabilité ou la possibilité du dommage.
Ce dommage ne se limite naturellement pas à la seule indemnisation de l'immeuble mais comprend nécessairement une assiette plus large : les troubles dans les conditions d'existence, le préjudice moral, le préjudice d'agrément, et tous les chefs d'indemnisation que ne reprend pas nécessairement l'indemnisation résultant des principes indemnitaires de l'expropriation.
On rappellera que le droit minier est un droit fonctionnel ; est minier ce qui ne se serait pas produit si l'exploitation minière n'avait pas eu lieu
La responsabilité générale minière ne connaît pas de limitation temporelle puisque l'article 75-1 prévoit en effet une sauvegarde au delà des interruptions administratives d'activités (« Cette responsabilité n'est pas limitée (...) à la durée de validité du titre »). Sur le plan cette fois d'une limitation spatiale de la responsabilité, la réponse est identique, l'article 75-1 prévoyant en effet une sauvegarde au delà du périmètre d'activités (« Cette responsabilité n'est pas limitée au périmètre du titre minier »).
Il existe une limitation matérielle de la responsabilité, car celle-ci est limitée aux « dommages causés par son activité ». Traditionnellement, le débat était jusqu'à présent de savoir ce qu'il fallait entendre par «activité minière», en excluant le non minier (dommages ICPE par exemple) et le « plus minier » (ouvrages abandonnés). C'est au juge qu'il appartenait de trancher au cas par cas, dans l'appréciation entre le « historiquement, culturellement, économiquement ou politiquement » ...minier, qui aurait élargi la responsabilité étatique et le « juridiquement » minier dont l'exploitant (ou l'Etat en tant qu'ayant droit après disparition de l'exploitant) ne manquait pas - avec usage cohérent du code minier -d'invoquer la stricte et seule application, pour se rendre irresponsable
Le même type de restrictions liées à l'expression « au sens du code minier » est cette fois utilisée par l'État pour s'exonérer d'une indemnisation complète. D'une certaine manière la section du contentieux - suivant son rapporteur public - valide cette « pirouette juridique » sur fond de juridisme minier.
Le même raisonnement existe certes dans le déport entre ce qui résulte de l'expropriation et ce qui résulte d'autre chose (l'ouvrage, le travail public, la faute... ), mais il ne laisse pas, comme l'implique la décision commentée, le choix à l'autorité responsable de l'indemnisation de la solution la plus « avantageuse ».
En tous les cas, sans aller jusqu'à imposer l'application cumulée, au non du principe de réparation intégrale, des articles 75 et suivants et de l'article 95 du code minier, le juge suprême aurait pu sans doute retenir la faute de service comme fondement du solde d'indemnisation.
Le refus discutable d'une faute de service résultant du choix de la procédure
A partir du moment où on admettra que le principe de réparation intégrale du préjudice résultant de l'activité minière n'était pas respecté, on pourra regretter sans doute un manque d'audace qui aurait permis une indemnisation plus juste.
Il était sans doute possible à la section du contentieux et cela était soulevé, de retenir une faute de service.
Le Conseil d'État admet en effet dans un considérant final qu'il lui incombait de retenir ou non la faute de service tirée du détournement de procédure pour rejeter ce dernier . Il aurait pu juger le contraire et considérer que le motif financier à l'origine du choix de la procédure de l'article 95 constituait un véritable détournement de procédure : le déport entre les procédures des articles 75 et articles 95 répond à des exigences techniques, en fonction de l'origine du dommage et non de considérations financières, comme dans l'arrêt « BEAUGE », archétype du détournement de pouvoir, la mesure de police doit être dictée par des considérations de police et non d'opportunité financière pour l'autorité de police . Mais il est vrai que ces dispositions résultent d'une modification législative, et que si détournement de procédure il y avait, il procèderait de l'État législateur dont la responsabilité ne peut pas être invoquée devant le juge administratif . Sur ce point, on peut comprendre a priori et sous réserve de la question de l'exception d'inconventionnalité et d'inconstitutionnalité de la loi, que la Haute Assemblée ait refusé de qualifier une faute sur ce fondement.
Mais le fait de se limiter à l'examen seulement de la faute de détournement de procédure est révélateur. Acter l'absence de détournement de procédure n'excluait pas la reconnaissance d'une faute fondée soit sur l'erreur de droit, soit sur l'erreur manifeste d'appréciation, soit à raison de la contrariété les dispositions supérieures (inconventionnalité ou 'inconstitutionnalité) de l'article 95 lui-même.
La section du contentieux aurait fort bien pu retenir une erreur de qualification juridique des faits par l'application à tort de l'article 95 au lieu de l'article 75-1 dans la qualification juridique de risque minier (article 95) alors qu'en fait-il y avait déjà un dommage minier, constitué par l'existence de fontis (article 75-1).
Mais elle aurait pu tout aussi bien retenir une erreur manifeste d'appréciation dans la détermination de la causalité adéquate, dans la mesure où (Cf. supra) doit ou à tout le moins peut être regardé come dommage minier tout dommage causé réellement par l'activité minière, ce qui était facilement défendable ici.
Une autre audace aurait été de retenir peut-être aussi l'inconstitutionnalité de l'article 95. Cela supposait de considérer que le législateur de 1999, en instituant une procédure d'indemnisation des dommages miniers dérogatoire au principe de responsabilité générale (article 75-1) aurait contredit notamment par exemple l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ou tout autre principe supra législatif en découlant. Séduisante, cette solution se heurtait à une impossibilité actuelle procédurale : le mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité n'étant on ne le sait pas encore applicable à la date de l'arrêt faute de loi organique
Il n'en va pas de même de l'inconventionnalité de l'article 95. La Haute Assemblée consacre aujourd'hui l'exception d'inconventionnalité au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , et il ne serait pas inconvenant (Cf. supra) de considérer que l'article 95 contrevient aux dispositions de l'article 1er du protocole n°1 . Avec de l'imagination, il était même concevable d'identifier en cette espèce un principe fondamental reconnu par les lois de la République ou de droit européen.
Conclusion :
On le voit, coutumier de la méthode dite de « l'inversion », dans la recherche première d'une solution équitable et accessoire d'une qualification juridique, le Conseil d'Etat avait la possibilité - sans doute en défaveur de l'Etat - d'indemniser mieux les « victimes ». C'est là au fond toute la question : que l'on qualifie ici la réparation demandée sur le fondement de la faute de service résultant du détournement de procédure (utilisation de l'article 95 et non des articles 75 -1), de la simple application directe des dispositions du code minier article 75 (droit à réparation intégrale d'un préjudice... minier), ou encore sur celui d'un droit général à réparation intégrale d'un préjudice, se pose la question de savoir s'il est bien conforme à l'équité de ne permettre que la plus petite indemnisation prévue par le code minier ? En d'autres termes l'Etat législateur peut-il limiter l'indemnisation qu'il doit en tant qu'exploitant minier (ou en tant qu'ayant droit) des personnes physiques et morales victimes de l'exploitation minière ?
La Haute Assemblée répond par l'affirmative dans une solution juridiquement correcte mais politiquement sans doute discutable et discutée par les collectivités territoriales et populations minières.
L'arrêt commenté est sur ce point très pédagogique sur le « costume d'Arlequin » revêtu par l'Etat en ces circonstances : au-delà du janusianisme de l'Etat législateur opposé à l'Etat administration active, la conjonction de ces deux facettes se renforce ici de celle d'autorité expropriante, mais aussi d'ayant droit de l'exploitant et d'une certaine manière de l'Etat juge administratif. Ce pentagone juridique pourrait conduire à saisir à la Cour européenne des droits de l'homme d'agissant de l'une ou l'autre de ces faces de l'Etat au nom du préjudice non indemnisé des victimes.
Semaine juridique du 16 novembre 2009, n°47, p.36.