La semaine de la doctrine
<chronique>chronique
Sports
XXX
Droit du sport
sous la direction de
Romain Boffa,
professeur à l'université Lille 2
avec
Nathalie Blanc,
maître de conférences à l'université Paris 2
Manuel Gros,
professeur à l'université Lille 2
Bernard Haftel,
maître de conférences à l'université d'Orléans
Franck Le Mentec,
avocat associé, Cotty Vivant Marchisio et Lauzeral
Jean-Philippe Tricoit,
maître de conférences à l'université Lille 2
La chronique couvre la période de juin 2016 à mai 2017
CHRONIQUE DE DROIT DU SPORT
Pr. Manuel GROS
Université Lille 2
I) CONTRÔLE DES NORMES SPORTIVES
A. Contentieux de la légalité des actes administratifs des fédérations sportives délégataires d'un service public
1- Incertitude sur la nature réglementaire ou individuelle des actes fédéraux en matière d’homologation et de classement relatif aux compétitions sportives :
Comme on le sait, la compétence en premier et dernier ressort du conseil d’État pour examiner la légalité de certains actes administratifs, outre les décrets et exceptions limitativement énumérées, est réservée aux actes de nature réglementaire. Jusqu’à présent les actes connexes aux résultats d’une compétition sportive homologuée présentaient ce caractère. Tel était le cas par exemple des décisions d’homologation des résultats officiels (conseil d’État 25 avril 2001, association sportive Nancy Lorraine, n° 228 171). Par un arrêt étonnant, la Haute assemblée a considéré le contraire à propos d’une décision arrêtant cette fois le classement d’une compétition sportive de lutte par équipe, qui « ne constitue pas un acte réglementaire » . Le Conseil d’Etat rejette ainsi sa compétence au profit, au titre de l’article R 132-1 du code du sport, du tribunal administratif du siège du club concerné.
Sauf à considérer peut-être une volonté de désengorgement du conseil d’État, on cherchera une cohérence dans cette qualification juridique à la géométrie variable.
(CE, 12 octobre 2016, Association Olympia lutte Schiltigheim, n°398995)
2-Sanctions disciplinaires FFF : nouvelle non-application de la jurisprudence Occansey –
On se souvient que dans l’arrêt Occansey (Conseil d’Etat 21 octobre 2013, n°367107), le Conseil d’Etat avait annulé des dispositions des règlements de la Fédération française de basketball qui prévoyaient des sanctions « automatiques », considérant qu’elles étaient contraires à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, siège du principe de l’individualisation des peines. Très vite, pour le cas d’un joueur du FC Nantes suspendu par la FFF à la suite de trois cartons jaunes reçus en moins de trois mois, le T.A de Nantes avait estimé qu’il n’y avait pas violation de l’article précité de la DDHC (TA Nantes, 17 juin 2014, no 1401659, 1402812, 1401735). La cour administrative d’appel de Nantes a confirmé ce jugement, considérant que la sanction n’a pas été « prise automatiquement », en relevant que le joueur avait la possibilité de contester « la réalité et l’imputabilité » de chacun des avertissements, avant de souligner le pouvoir de modulation de la commission disciplinaire (CAA Nantes, 31 déc. 2014, no 14NT01945, 14NT01946).
Cette fois-ci, c’est le conseil d’État lui-même qui a considéré que si les dispositions du barème du règlement disciplinaire de la FFF prévoient que « l’inflexion de trois avertissements au cours de différentes rencontres (…) conduit en principe au prononcé d’une sanction (…), elles permettent une discussion sur l’imputabilité effective des manquements reprochés et ouvrent à l’organe disciplinaire compétent la possibilité de prendre en compte des circonstances propres à chaque espèce est de s’écarter, le cas échéant, de la sanction de référence prévue par le barème », et ne constituent ainsi pas une sanction automatique.
On peut considérer, à partir de cette position de la Haute assemblée française, que grâce à la sémantique, les sanctions dites « automatiques » ne le sont pas et ne contreviennent pas au principe d’individualisation des peines.
Il n’est pas impossible que la cour européenne des droits de l’homme ait un jour une position contraire.
(Conseil d’Etat 11 mai 2016 SASP Football club de Nantes, n°388322).
3- aide substantielle à la lutte anti dopage : la simple dénonciation ne suffit pas :
Une sportive amateur de Kick Boxing et disciplines associées avait été contrôlée positive à la suite d’une compétition. Suspendue six mois par la fédération française, l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD), en application du code du sport, avait porté la sanction à quatre années d’interdiction de compétitions sportives. Contestant cette décision devant le conseil d’État au motif de la disproportion de la sanction (moyen rejeté) mais surtout pour n’avoir pas pris en compte le fait qu’elle ait fourni une aide substantielle à la lutte contre le dopage. En particulier, les dispositions de l’article L 232-23-3-2 du code du sport, telles qu’elles résultent de l’ordonnance 2015–1207 du 30 septembre 2015, reconnaissent ce caractère à toute aide permettant d’identifier des personnes y contrevenant. La sportive invoquait le fait d’avoir communiqué le « nom » (« Momo ») et le numéro de téléphone de la personne qui lui avait vendu les substances. Le conseil d’État, comme l’agence française de lutte contre le dopage, rejette cet argument en considérant que « compte tenu de leur nature et de leur imprécision, ces informations ne constituaient pas une aide substantielle. ».
(Conseil d’Etat 23 décembre 2016, Madame R…, n°399728).
II) JUSTICE SPORTIVE ET JUSTICE ÉTATIQUE
A-dissolution des associations de supporters du Paris-Saint-Germain et convention européenne des droits de l’homme :
À la suite de leur dissolution par décrets du 28 avril 2010, deux associations de supporters du PSG avaient porté le rejet de leur requête par le conseil d’État (Conseil d’Etat 13 juillet 2010, n°339257) devant la cour de Strasbourg. Classiquement cette dernière rejette le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire à raison de l’impossibilité pour un avocat d’un barreau ordinaire de s’exprimer au cours de l’audience (déjà jugé CEDH 6 mars 2003, n°58811/00). Plus subjectivement, la cour a jugé que « les mesures de dissolution peuvent passer pour proportionnées au but poursuivi »… compte tenu des circonstances !