Ordre moral, dignité humaine et "neutralité" du droit. Du lancer de nain à la "quenelle".

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ORDRE MORAL, DIGNITE HUMAINE ET « NEUTRALITE » DU DROIT.

Du lancer de nain à la « quenelle ».[1]

Par Manuel GROS

 

Quel rapport et surtout quel intérêt juridique peuvent présenter un spectacle de lancer de nain dans une discothèque en 1993 et la « « quenelle » effectuée par le comique Dieudonné en 2013 2014, 20 ans plus tard .

La quenelle[2]

Quel intérêt des étudiants à l’aube d’une entrée dans une faculté de droit ?

Une réponse docte et scientifique pourrait être de préciser que ces deux affaires ont conduit en France, à 20 ans d’intervalle, à deux décisions essentielles du conseil d’État, juridiction suprême de l’ordre administratif français[3].

Le lancer de nain en 1995 dans les discothèques françaises, a donné lieu à deux arrêts d’assemblée du Conseil d’Etat[4].

Le comique Dieudonné et sa « quenelle », en 2014, ayant suscité plus de 15 ordonnances de tribunaux administratifs et un arrêt du Conseil d’Etat[5]

Une réponse journalistique à cette question de l’espace commun à ces deux affaires pourrait être de dire que ces deux affaires ont défrayé la chronique en France, même si à la vérité l’affaire du lancer de nains n’a réellement intéressé que les juristes alors que celle de Dieudonné à divisé toute la France, sans avoir pourtant les conséquences tout de même par exemple de l’affaire Dreyfus.

Une réponse juridique sera de dire que derrière la trivialité et d’une certaine manière la superficialité de ses affaires, se cache un véritable affrontement entre des règles juridiques de la valeur la plus importante, la valeur constitutionnelle.

La question « journalistique » (ou sociologique pour faire savant) est  peut-on rire de tout ?

La question juridique est les libertés individuelles sont elles absolues ?

En d’autres termes, au nom de « l’ordre public » peut-on interdire l’exercice d’une liberté constitutionnelle ?

Cela est évident et le code pénal ne permet pas la liberté (individuelle ou collective) de voler, de violer de tuer…

Mais d’exercer un métier voire tout simplement de parler publiquement ? Peut-on interdire des spectacles qui ne sont pas politiquement ou juridiquement corrects ?

Dans ces deux cas (mais on pourrait en citer bien d’autres) l’interdiction par les autorités de police compétentes (Cf. infra) des spectacles en cause pose la question des limites de nos grandes libertés.

Sans être exhaustif, les deux affaires mettent en cause les libertés essentielles que constitue la liberté du commerce et de l’industrie : le nain Manuel Wackenheim comme le comique DIEUDONNE exploitaient un commerce de spectacles qui ont dû s’interrompre au nom de l’ordre public[6].

L’affaire du lancer de nain pose ainsi d’une manière générale, nous le verrons, la question de la liberté individuelle, puisqu’après tout ce dernier était volontaire et désireux de constituer une cible vivante pour des adolescents dans les discothèques ; c’était sa liberté, celle de son image comme celle de son corps.

 

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L’affaire Dieudonné pose en outre la question d’une part de la liberté d’opinion (a-t-on le droit d’être raciste ?) Et surtout celle de la liberté d’expression (a-t-on le droit d’exprimer des opinions racistes en général et antisémite au cas particulier)

Cela permet de s’interroger dans les deux cas en termes clairs sur la neutralité du droit et des limites de l’objectivité de ce dernier.

On sait que le droit est toujours le reflet d’une société dans laquelle il s’exerce et souvent une transposition d’intérêts particuliers en intérêt général :

-l’homicide peut être une vertu constitutionnelle, selon la célèbre constitution montagnarde de l’an I (1793) qui prévoyait en son article 27. – « Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres»[7].

L’adultère de la femme fut sanctionnée pénalement jusqu’en 1975[8] en France, alors que seules des sanctions civiles (divorce) frappaient le mari adultérin : on s’est que c’est à la demande expresse de Napoléon Bonaparte, qui supportait mal les infidélités de son épouse Joséphine de Beauharnais, que cette disposition fut votée par des assemblées dociles, mais perdura dans le système juridique français pendant plus de deux siècles.

-L’exonération des œuvres d’art, en France, de l’assiette d’imposition de l’impôt sur la fortune (ISF) n’est peut-être pas étrangère au fait que le ministre de l'Economie en 1981 quand l'ISF a été créé était aussi le fils du plus gros antiquaire de Paris.
 

Cette évidente interaction entre le droit et la politique, la morale, la religion et heureusement compensée par un principe fondamental appelé en France « principe de légalité[9] ». La sanction du non respect de ce principe sera l'annulation de l'acte illégal par le juge administratif, saisi par la voie du recours pour excès de pouvoir[10].

La police existe depuis qu'il y a des Etats (ou des cités), et correspond au concept d'"Etat-gendarme". Elle peut se définir comme "l'ensemble des activités ayant pour but d'assurer le maintien de l'ordre public."

Par définition, toute activité de police est restrictive des libertés individuelles.

Même si le concept de police est polysémique[11], la distinction la plus connue du grand public est celle entre  la police administrative et la police judiciaire, la première étant de nature préventive, la seconde répressive[12].

Les affaires nous intéressant concernent naturellement la police administrative (interdiction préventive de spectacles ou attractions).

La police administrative fait l’objet d’un contrôle approfondi de la part du juge administratif, en application d’une célèbre jurisprudence ancienne et toujours appliquée de 1933, dite l’affaire « Benjamin[13]», à propos de l’interdiction d’une conférence à Nevers.

Dans un Etat de droit, où les libertés sont prioritaires, toute mesure de police est par définition une atteinte à l'une de ces libertés. La juxtaposition de ces deux objectifs contradictoires d'ordre et de liberté a donné lieu à un contrôle juridictionnel spécifique, dont l'apparente perfection théorique cache parfois certaines limites quant à l'efficience pratique.

Le contrôle exercé sur les mesures de police ajoute au contrôle de légalité commun à toute activité administrative, un régime d'interdiction de principe et un examen de l'adéquation des mesures de police aux faits qu'elles sont censées régir.

Alors qu'elles existent dans d'autres secteurs de l'activité administrative, certaines mesures sont interdites en matière de police[14]. Mais hormis les cas flagrants et compte tenu des difficultés conceptuelles liées à la notion même d'interdiction générale et absolue, le contrôle juridictionnel de ce type de mesures est le plus souvent fondé, au cas d'espèce, par leur caractère excessif au regard des préoccupations d'ordre public, et non sur leur seule prohibition de principe.

C'est toute la grande question de la subordination de la légalité des mesures à leur nécessité.

Aspect spécifique du contrôle de la police administrative, souvent comparé au contrôle in concreto appliqué en matière d'expropriation[15], la vérification par le juge de l'adéquation des mesures aux faits les conditionnant, a été souvent qualifié en doctrine de contrôle "maximum"[16].

Ce contrôle nécessite un examen au cas par cas par le juge. Il repose sur l'analyse par le juge non des mesures prises intrinsèquement, mais aussi de la question de savoir si elles auraient pu être évitées par d'autres mesures moins contraignantes. Ainsi, le raisonnement du juge sera de mettre en balance tout à la fois les risques de troubles (faits) les mesures prises, mais aussi les moyens de les éviter. La méthode "Benjamin" a été maintes fois reprise : à propos de la fermeture d'une salle de bal[17] comme d'un établissement célèbre de Paris[18], de l'interdiction de pêcher[19], de l'interdiction de cérémonies religieuses[20], de l’interdiction de circulation[21], du droit de manifester[22] comme dans pratiquement tous les secteurs d'expression des libertés individuelles.

La finesse du contrôle exercé a amené la doctrine à gloser sur la nature de ce dernier, évoquant un contrôle qui irait jusqu'au contrôle d'opportunité, supposant une illicite substitution à l'autorité administrative par le juge, dans l'examen des mesures potentiellement moins restrictives des libertés que celle prise par l'autorité[23].

C'est donc plus dans la précision de l'examen de la mesure en cause en fonction des circonstances factuelles que se situe l'originalité du contrôle spécifique de police. Plus encore, il semble depuis une période récente ajouter à la prise en considération des personnes susceptibles de causer des troubles éventuels[24], une prise en compte de la personne visée par la mesure[25].

Cette extrême précision dans le contrôle exercé par le juge en matière de police est naturellement source d'une extrême subjectivité de ce contrôle. La nature particulière de la police, activité par définition restrictive des libertés, incite à penser cependant qu'à l'arbitraire de l'administration, il est peut être préférable d'opposer l'arbitraire du juge!

C'est en ce sens que certains auteurs ont pu évoquer en ce domaine une véritable présomption d'absence de motifs[26], l'autorité de police ayant à charge de démontrer la légalité de certaines mesures, contrairement au droit commun des activités administratives.

Ce contrôle juridictionnel comprend ainsi celui des  buts poursuivis par l’autorité de police. Ces derniers  sont selon une formule célèbre, trouvant son origine dans une loi du 22 décembre 1789, reprise par la loi du 4 avril 1884 portant organisation communale (article 97) et actuellement exprimée par l'article L. 2212-2 du CGTC, "le bon ordre, la sûreté[27], la sécurité et la salubrité publiques.[28]"

Les incertitudes et évolutions du concept d'ordre public sont la marque de la nature éminemment jurisprudentielle de ce domaine.

Il en va ainsi de la variation de l'ordre public selon le régime politique[29], ou encre de ces évolutions avec le temps, car l'ordre public, et par voie de conséquence les buts de police, ne sont pas fixés ne varietur et évolueront, au sein d'une même société, au fil du temps[30].

Ainsi même au sein d’un régime politique stable (la démocratie par exemple) mais au gré du temps sur des périodes assez courtes, il existe une variation de l'ordre moral

La notion d'ordre public, comme élément central des buts admis des interdictions de police, est donc extrêmement variable en fonction du pouvoir politique, de l'époque ou du lieu considérés. La fixation, en fonction de ces éléments, appartient en conséquence indiscutablement au seul juge administratif, chargé d'examiner, espèce par espèce, la licéité du motif de la mesure de police.

C’est dans ce contexte juridique caractéristique de notre époque moderne où les nécessités de l’ordre doivent être conciliés avec les droits et libertés fondamentaux, et réciproquement, qu’il est intéressant pour un juriste ou futur juristes d’examiner, au travers de deux jurisprudences apparemment sur des sujets futiles et superficiels (un spectacle de mauvais goût lancer de nain, est un comique très discutable Dieudonné) de s’interroger sur ce qu’est ou sur ce que doit être le bon ordre (c’est-à-dire l’ordre public) dans une société moderne.

Nous verrons successivement qu’en France après une longue période, au XXe siècle, pendant laquelle l’ordre public ne pouvait qu’être matériel (I), l’affaire du lancer de nain allait en 1995 valider une approche morale de cet ordre public (II), et peut-être plus inquiétant, en 2014, l’affaire « Dieudonné » opérait une dilatation de cet ordre public moral en un ordre public politique (III). Le principe essentiel de sécurité juridique y trouve –t-il toujours on compte ? (conclusion).

 

I - L’ordre public devrait être en principe un concept strictement matériel ou affirmé comme tel :

Depuis longtemps, au delà de la célèbre trilogie des constituants de l'ordre public, accompagnant le bon ordre, savoir la sûreté (ancienne tranquillité), la sécurité et la salubrité publiques, la notion d'ordre public s'entendait en doctrine reconnue comme "l'ordre matériel et extérieur ».  Maurice Hauriou, dans son précis de droit administratif et de droit public (1919) énonçait que « l’ordre public (…) est l’ordre matériel et extérieur », puis ajoutait que « elle ne poursuit pas ce que l’on a appelé à une certaine époque l’ordre moral, (…) si elle l’essayait, elle verserait immédiatement dans l’inquisition et dans l’oppression des consciences[31]. 

La Jurisprudence avait fait sienne cette acception, en n'acceptant l'interdiction, au titre de la police, d'activités susceptibles de porter atteinte à la morale et aux bonnes mœurs, qu'à la condition que le désordre moral puisse avoir pour conséquence un désordre matériel[32].

C'est dans cette ligne qu'intervenait le célèbre arrêt Benjamin[33]. Parallèlement à sa portée considérable en matière de définition de l'étendue du contrôle juridictionnel, par la mise en place d'une exigence d'adéquation des mesures aux faits jamais démentie depuis, le célèbre arrêt de principe maintenait une conception de l'ordre public exclusivement matérielle : seule l'éventualité de troubles", ne présentant pas au cas particulier une gravité suffisante pour justifier une mesure aussi drastique que l'interdiction, et la nécessité de "maintenir l'ordre" auraient pu donner un caractère licite à l'interdiction du Maire de Nevers. Ainsi, la jurisprudence Benjamin illustrait une conception matérielle des désordres à éviter, et extérieure au contenu de la conférence de l'ordre public à maintenir.

Pourtant, une autre analyse, extensive de la notion d'ordre public aurait pu conduire dès 1933 - dans une démarche plus proche, sans pour autant être identique à celle des arrêts Morsang sur Orge et Aix en Provence - le Conseil d'Etat à considérer que les conférences de René Benjamin portaient atteinte à la "dignité de la personne des instituteur laïcs".

En refusant aux autorités de police générale le droit à la censure morale, le Conseil d'Etat définissait, pendant toute la première moitié du siècle, l'ordre public, en matière de police, comme étranger à toute acception exclusivement moraliste.

Cette appréhension matérielle fut complétée - sans être pour autant supprimée - par l'admission de considérations plus immatérielles dans le célèbre arrêt de la Société Les films Lutétia[34]. Contrairement aux conclusions du Commissaire du Gouvernement Mayras[35] qui défendait encore la conception strictement matérielle de l'ordre public, le Conseil d'Etat ajoutait à la possibilité pour un Maire « d’interdire sur le territoire de celle-ci la représentation d'un film auquel le visa d'exploitation ministériel a été accordé, mais dont la projection est susceptible d'entraîner des troubles sérieux", celle de procéder à la même interdiction dans le seul cas où "à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales", cette projection pourrait être "préjudiciable à l'ordre public". La formulation alternative ("ou d'être") de la condition générale (troubles matériels) et de la condition particulière (immoralité intrinsèque renforcée de circonstances locales) ne pouvait laisser aucun doute sur l'abandon d'une acception strictement matérielle et extérieure - à tout le moins comme condition exclusive - de l'ordre public.

Une telle acceptation par la Haute Assemblée des possibilités locales de censure de l'immoralité allait engendrer de nombreuses jurisprudences en matière cinématographique, toutes fondées sur l'admission ou le refus de l'immoralité "localement constatée"12.

La célèbre affaire du film Le pull over rouge[36], déjà à Aix en Provence, permettait heureusement un retour à une conception plus objective de l'ordre public local. En 1979, le Maire d'Aix en Provence interdisait la projection du film "Le pull over rouge relatant les conditions de la condamnation de Ranucci, dernier condamné à mort exécuté en France. La mesure était motivée "en raison des circonstances locales préjudiciables à l'ordre public". Saisi en appel du jugement du tribunal administratif de Nice annulant l'arrêté municipal, le Conseil d'Etat confirmait cette annulation, dans des conditions démontrant une certaine désuétude de l'immoralité, comme composante des critères d'appréciation de l'ordre public. En effet, alors que le Commissaire du Gouvernement avait écarté les risques de troubles matériels liés à la projection du film, mais retenait l'immoralité du film[37], la Haute Assemblée précisait bien que l'immoralité n'était pas un fondement d'interdiction en l'absence de risques de troubles à l'ordre public[38]. Ce refus - peut-être provisoire en raison de la variabilité de l'ordre public avec le temps - de la prise en compte de la seule immoralité, abstraction faite des risques locaux de troubles, semblait constituer une jurisprudence fixée. Le jugement du tribunal administratif de Versailles[39], décision de première instance concernant l'arrêt Commune de Morsang sur Orge confirmait cette tendance, en annulant l'arrêté municipal, estimant que "la circonstance que certaines personnalités aient exprimé publiquement leur désapprobation de l'organisation d'un tel spectacle ne pouvait être de nature à laisser présager la survenance de troubles à l'ordre public." Ce défaut de risques matériels, "à supposer même que ledit spectacle ait porté atteinte à la dignité humaine", rendait l'arrêté "en l'absence de circonstances locales particulières" illégal pour le tribunal administratif de Versailles. A ce stade jurisprudentiel, l'on pouvait considérer que l'approche prioritairement et peut-être même de nouveau exclusivement matérielle de l'ordre public par la Jurisprudence Ville d'Aix en Provence de 1985 constituait un quasi revirement par rapport à la formulation alternative de l'arrêt Lutétia[40].

L’affaire du « lancer de nain » en 1995 pourrait apparaitre comme une immixtion de l’ordre moral dans la composition de l’ordre public.

 

II - L’ordre public peut-il être moral ? Le respect de la dignité de la personne humaine, composante intrinsèque de l'ordre public.

On rappellera qu’au titre des articles L 131-1 et L 131-2 du code des communes[41], les Maires des communes de Morsang sur Orge et d'Aix en Provence, avaient interdit, par arrêtés respectivement des 25 octobre 1991 et 23 janvier 1992 l'organisation de concours de "lancers de nains" que la société Fun Productions devait produire dans des discothèques situées sur le territoires des deux communes. Edictés au titre des pouvoirs de police générale des maires, les arrêtés en cause visaient ainsi explicitement les atteintes à l'ordre public, notamment en termes de sûreté, voire éventuellement de sécurité, mais implicitement censuraient ce qu'ils considéraient comme une atteinte à la moralité, en ce que le spectacle aurait attenté à la dignité humaine.

Les tribunaux administratifs de Versailles[42] et de Marseille[43] annulaient les arrêtés municipaux sur des motivations différentes, le premier pour défaut de circonstances locales particulières pouvant justifier une telle interdiction, le second pour absence d'atteinte à la dignité de la personne humaine.

Désavouant les deux juridictions de première instance en des termes rigoureusement identiques, l'Assemblée du contentieux annulait les deux jugements, dans un considérant de principe apparemment novateur, estimant que le lancer de nain constituait une attraction ou un spectacle qui "par son objet même (...) porte atteinte à la dignité de la personne humaine; que l'autorité investie du pouvoir de police municipale pouvait dès lors, l'interdire même en l'absence de circonstances locales particulières et alors même que les mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition contre rémunération."

Ainsi ces deux arrêts d'Assemblée "Commune de Morsang sur Orge et Ville d'Aix en Provence"[44] à propos des "lancers de nains" interdits de Morsang sur Orge et d'Aix en Provence, semblaient remettre en cause la définition de l’ordre public qui avait été établie par l’arrêt « Benjamin » de 1933 qui acceptait l'interdiction, au titre de la police, d'activités susceptibles de porter atteinte à l’ordre public,  à la condition que le désordre moral craint puisse avoir pour conséquence un désordre matériel.

Les deux arrêts de 1995 rompaient apparemment avec l’aspect matériel de la définition, mais cet abandon de la stricte conception matérielle de l’ordre public avait déjà été amorcé auparavant[45].

Mais dans les arrêts de 1995, en estimant que "le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public ; que l'autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l'absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte à la dignité de la personne humaine", la Haute Assemblée semblait revenir à la conception Lutétia. En effet, elle semblait admettre que même en l'absence de risques de troubles matériels et de circonstances locales, l'ordre public puisse être menacé et préservé par l'autorité locale.  C'est ainsi à nouveau le refus explicite d'une stricte conception matérielle de cet ordre public.

Pour autant l’on ne s’aurait intégrer formellement et expressément cette obligation de respect de la dignité de la personne humaine dans aucune composante de l’article L131-2 du code des communes. Il semble donc que la notion d’ordre public permette d'incorporer des buts de police non expressément visés par le texte. On peut comprendre que le juge ait considéré que le lancer de nain était une activité de spectacle portant atteinte à la dignité de la personne humaine mais au delà, de l’intérêt même de l’activité, celle-ci pose une réelle question de la subjectivité de l'appréciation prétorienne. Avec l’appréciation souveraine des juges, est-on sûr de détenir le jugement représentatif de l’ordre social ?

Le terme sans équivoque de « composante », associé à la référence expresse à l'article L 131-2 du code des communes, conduit le lecteur à s'interroger sur la question de savoir à quelle composante précise, même informellement, l'on doit rattacher le « respect de la dignité de la personne humaine ». L'on écartera sans difficulté la notion de « salubrité publique », sauf à admettre une conception de salubrité morale, au sens de l'hygiène morale, qui par ses relents de censure du bon et du mauvais goût serait aujourd'hui difficilement concevable. Il serait tout aussi vain de penser que des considérations de « sécurité publique » puissent être invoquées, puisque la Haute Assemblée les écarte explicitement[46]. Enfin la « sûreté publique », au sens de la tranquillité, n'était pas menacée au titre des risques de troubles matériels[47]. Comme souvent - sauf à admettre une adjonction jurisprudentielle aux composantes visées par l'article L 131-2 du code des communes – seule la notion de « bon ordre » permet d'incorporer des buts de police non expressément visés par le texte.

On peut donc légitimement penser que le Conseil d'Etat a considéré que le lancer de nain portait atteinte à la dignité de la personne humaine et à ce titre au bon ordre, lui-même constitutif de l'ordre public.

Le juriste se gardera bien de commenter sur le fond l'appréciation de la Haute Assemblée, en ce qu'elle a jugé que "l'attraction de lancer de nain, consistant à faire lancer un nain par des spectateurs conduit à utiliser comme projectile une personne affectée d'un handicap physique et présentée comme telle; que par son objet même, ce spectacle porte atteinte à la dignité de la personne humaine." On constatera seulement que cette appréciation et l'interdiction qu'elle valide priment sur la liberté du commerce et d'une certaine manière le droit au travail puisque le nain intéressé évoquait pourtant son statut de chômeur et le fait qu'il avait trouvé, grâce aux spectacles contestés, une activité professionnelle pour laquelle il était par ailleurs volontaire[48]. Suivant son Commissaire du Gouvernement, qui estimait que "Le respect de la dignité humaine (...) ne saurait s'accommoder de quelques concessions en fonction des appréciations subjectives que chacun peut porter à son sujet (...) la dignité humaine doit se placer hors commerce .[49], la Haute Assemblée fit - par ailleurs logiquement dès lors que l'on admet le respect de la dignité humaine comme composante de l'ordre public - prédominer le pouvoir de police sur les libertés du travail et du commerce[50]. On retrouve là en toute logique l'évolution des buts des mesures de police générale: la mesure de police, qui n'avait initialement pour fondement que la protection des individus contre les abus des autres, a pu avec le temps, intégrer la protection de l'individu contre lui même. Contre sa volonté, l'individu se verra interdire des actions ou attitudes qui ne présentent de danger que pour lui-même, sans influencer la sécurité des autres individus: port du casque obligatoire pour les deux roues et de la ceinture de sécurité pour les quatre roues[51], dont la légalité a été admise par le juge[52], au motif de la réduction des conséquences des accidents de la route. Au delà du débat juridique que peut susciter l'admission juridictionnelle de telles mesures de police - "tout ce qui ne nuit pas autrui"[53] ne signifiant pas nécessairement tout ce qui ne nuit pas à la société, au sens collectif - il est évident que l'ordre public, loin d'être intangible, évolue avec le temps. Concrètement, s'il n'est pas toujours l'auteur de l'évolution (évolution de la réglementation), le juge en est le témoin et l'interprète. Au cas d'espèce, le respect de la dignité de la personne humaine a pour conséquence de protéger les nains contre eux-mêmes et la tentation qu'ils pourraient avoir d'utiliser leur handicap contre leur propre dignité.

Mais au delà du lancer de nains, dont chaque être raisonnable s'accordera à considérer qu'il présente un intérêt et un gout discutables[54] se pose une réelle question de la subjectivité de l'appréciation prétorienne. Pour ne prendre que l'exemple du plus vieux métier du monde, la prostitution n'est-elle pas plus attentatoire à la dignité de la personne humaine que le lancer de nain? Plus licites encore, les spectacles de "strip tease", les combats féminins dans la boue ou toute autre matière, et bien d'autres attractions ne sont-ils pas attentatoires à la dignité de la femme en particulier et de la personne humaine en général? Au cas particulier des nains enfin, le Cirque, le Théâtre, le Cinéma et aujourd'hui la Télévision utilisent depuis leur création leur handicap, à des fins comiques le plus souvent, avec la bénédiction des pouvoirs publics et pour le grand plaisir des petits et des grands. A l'extrême, il ne serait pas inconcevable - dans un raisonnement certes artificiel et subjectif - de penser que l'ironie portée par un nain sur son handicap participe même de sa propre dignité en tant que personne humaine, et que l'en priver constitue au contraire une atteinte à celle-ci.

La sanction par le Palais Royal du lancer de nain apparaît ainsi comme la mise en exergue d'une seule activité - certes ridicule, voire indigne - mais pas davantage que bien d'autres spectacles passés, présents et à venir, qui pourtant ne connaîtront pas les malheurs d'art-étés municipaux et l'honneur de deux arrêts d'Assemblée.

En outre, en ce domaine du jugement moral, qui peut être sûr de détenir le jugement représentatif de l'ordre social? Lorsque le Commissaire du Gouvernement Frydman sur ces affaires concluait que ''on ne peut qu'être frappé par la parenté unissant un tel spectacle avec les jeux du cirque de l'Antiquité, dont on connaît le rôle de canalisation des pulsions sadiques de la population.", il est possible de partager son analyse. Mais l'on pense aussi à la célèbre formule de Maurice Hauriou, dans son analyse du théâtre et de sa vocation au service public, en 1916, sans pour autant se tromper à l'époque[55], mais tellement désavoué quelques années plus tard seulement[56]:" La juridiction administrative condamne la conception qui consisterait à ériger en service public, comme à la période de la décadence romaine, les jeux du cirque. (...) sa jurisprudence sur les théâtres doit reposer sur cette idée que l'entreprise de spectacles, dont l'exploitation renferme tant d'éléments de démoralisation, répugne par elle-même au service public."

Face à la subjectivité de l'appréciation en matière morale et surtout au fait que l'ordre social évolue très vite, l'on serait en conséquence tenté de se demander si l'attitude du tribunal administratif de Versailles, juge de première instance en l'espèce, refusant implicitement d'apprécier la moralité dudit spectacle[57] n'était pas au fond plus conforme à l'esprit du Droit en matière de morale. Après tout, le citoyen doté du pouvoir de faire la loi par référendum n'est-il pas capable de juger lui-même, en ne participant pas aux lancers de nain et autres attractions semblables, de ce qui est moral et de ce qui ne l'est pas? Comme tout phénomène de mode, le lancer de nain aurait vite été démodé sans que la Haute Assemblée ne prenne le risque de permettre, par ces deux arrêts, un certain retour à la censure morale, a fortiori municipale.

On regrettera tout autant qu’en plus de la subjectivité inhérente à l'appréciation du lancer de nain, le Conseil d'Etat ait en matière de frais irrépétibles, marqué une sévérité orientée dont il n'est pas coutumier. Réglant un problème de principe difficile, il condamne en effet, au titre des frais irrépétibles[58] la seule société Fun Productions à verser respectivement 15 000 F à la Commune d'Aix en Provence et 10 000 F[59] à la commune de Morsang sur Orge. Or l'on constatera que ladite société n'était pas appelante principale, en tant que bénéficiaire des jugements contestés, que le tribunal administratif de Versailles avait refusé, pour toutes les parties le bénéfice des frais irrépétibles[60], et que la Haute Assemblée exonère la personne physique objet du litige desdits frais. En fait, la condamnation exclusive de la société de production en cause accentue l'impression de désapprobation morale par la Haute Assemblée.

On atténuera la portée des critiques énoncées en émettant une double hypothèse. En premier lieu, il est permis de penser qu'en circonscrivant dans les arrêts les atteintes sanctionnables à celles visant la dignité de la personne humaine, sans recourir au terme, plus général, de moralité, le Conseil d'Etat ait voulu limiter cette nouvelle composante de l'ordre public à des cas extrêmes comme celui de l'espèce, dont chacun conviendra qu'il allait très loin dans la hiérarchie du mauvais goût. En second lieu, les deux arrêts pourraient être une sorte de Jurisprudence Labonne[61] inversée : le « vide juridique » - national cette fois - en matière de police des atteintes à la dignité humaine justifierait une extension des pouvoirs de police municipale. Mais l'arrêt Labonne, permettant à une autorité d'intervenir exceptionnellement, contient également la limite de cette intervention, en ce qu'il est "bien entendu que les autorités susmentionnées conservent, chacune en ce qui la concerne, compétence pour ajouter à la réglementation générale édictée" par l'autorité exceptionnelle. La fixation des critères de protection de la dignité humaine semble ainsi à l'avenir devoir être réservée au Conseil d'Etat, et mériterait même certainement l'intervention du législateur.

Pour toutes ces raisons, les deux arrêts Morsang sur Orge et Aix en Provence, à défaut d'être des arrêts de principe, sont à tout le moins des arrêts de synthèse.

Ils ne constitueraient en fait qu’une étape dans la dématérialisation de l’ordre public.

 

III - l’ordre public peut-il être politique : la « dilatation »[62] de l’ordre public.

Contrairement aux apparences et malgré la solennité formelle d'un double arrêt d'Assemblée, il était possible de douter à l’époque du caractère intrinsèquement de principe des deux décisions en cause. En effet, à l'examen attentif, les deux arrêts ne faisaient que confirmer l'abandon d'une stricte conception matérielle de l'ordre public, et maintenaient implicitement en fait le refus jurisprudentiel d'une appréciation locale de la moralité publique, mais pas de l'ordre public. Par contre, ils révélaient, on l’a vu,  une adjonction importante - même si ponctuelle - du respect de la dignité de la personne humaine comme composante de l'ordre public[63].

Presque vingt ans plus tard, à l’occasion de ce qui a été appelé l’affaire  DIEUDONNE, le Conseil d’Etat allait semble-t-il étendre la prise en compte de l’élément abstrait et subjectif de la dignité dans la définition jurisprudentielle de l’ordre public.

À la différence de l’affaire du « lancer de nain » où c’était le traitement physique dégradant, selon le conseil d’État, qui constituait une atteinte à la dignité de la personne humaine, dans l’affaire Dieudonné, il s’agissait des propos tenus par cet artiste dans le cadre de son spectacle intitulé « le mur » présenté initialement à Paris, puis dans différentes villes de France. De fait, « l’humour » de l’intéressé portait essentiellement sur une ironie à connotation raciste en général, et antisémite en particulier. L’émoi provoqué, au niveau national, par ce spectacle amena le ministre de l’intérieur, à prendre une circulaire[64] à l’intention des préfets, dans laquelle, il était rappelé à quelles conditions le maire (ou le préfet par substitution) pouvait dans l’exercice du pouvoir de police générale, interdire un spectacle tel que celui de Dieudonné, en laissant entendre que les conditions « d’intervention » préfectorale apparaissaient réunies en l’espèce[65].

À l’occasion d’un spectacle programmé le 7 janvier 2014, le préfet de la Loire-Atlantique interdisait la tenue du spectacle à Saint Herblain, au titre de son pouvoir de substitution en l’absence de mesures de police générale prises par le maire. Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi dans le cadre d’une procédure de référé – liberté [66] considérait dans une ordonnance du 9 janvier 2014[67] que si « le respect de la dignité humaine est une des composantes de l’ordre public (…) le motif tiré de l’atteinte que, par suite et dans les circonstances de l’espèce, à la dignité de la personne humaine ne permettait pas de fonder légalement l’arrêté d’interdiction attaquée ». En l’absence de proportion à sa nécessité de la mesure d’interdiction et de troubles à l’ordre public au regard des moyens dont le préfet disposait, le juge des référés considérait que l’atteinte à la liberté d’expression était excessive et suffisamment grave pour justifier la suspension de l’arrêté. Cette position du premier juge du fond saisi était une combinaison cohérente à la fois de l’exigence de risques de troubles matériels à l’ordre public et d’une prise en compte du respect de la dignité de la personne humaine telle que strictement définies dans la jurisprudence « Morsang sur  Orge », dans la conciliation avec la liberté constitutionnelle d’expression. Le ministère de l’intérieur fit appel de cette ordonnance, et dans une exceptionnelle célérité, le juge des référés du conseil d’État, à 18h40, le jour même, invalidait l’ordonnance du juge de Nantes et empêchait ainsi le déroulement du spectacle initialement prévu. Cette première ordonnance[68] relevait que le spectacle « contient des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des (…) que l’arrêté contesté du préfet rappelle que M. Dieudonné M’Bala M’Bala fait l’objet de neuf condamnations pénales (…) que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public (…) sont établis.. ».

Mais le Conseil d’Etat colorait son  ordonnance d’un peu de matérialité en « Considérant que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre Public mentionnés par l’arrêté litigieux sont établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique ; qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux ».

Cette décision pourrait ne pas convaincre l’observateur objectif : y-avait-il de réels risques de troubles matériels. On peut en douter : cela faisait 6 mois que le spectacle se tenait à Paris[69]. On peut alors inverser le raisonnement : n’est-ce pas l’hypermédiatisation des media et de la classe politique, sinon du Gouvernement lui-même, qui auraient été à l’origine des risques de troubles décrits ?

En clair, le spectacle ayant lieu depuis plusieurs mois à Paris, si le ministre de l’intérieur-futur Premier Ministre programmé- n’en avait pas fait son cheval de bataille et que les médias n’en auraient alors pas relayé l’action, ce spectacle aurait-il réellement été la cause de trouble sérieux à l’ordre public ?

Sur le même spectacle le lendemain à Tours puis Orléans, le juge des référés cette fois du tribunal administratif d’Orléans[70] se ralliait au rejet du référé. En appel à nouveau le Conseil d’Etat reformulait plus prudemment ses motifs ; «le  juge des référés de première instance a pu estimer, à bon droit, qu'au regard du spectacle prévu, tel qu'il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles, de nature à porter de graves atteintes au respect de valeurs et principes tels que la dignité de la personne humaine et à provoquer à la haine et la discrimination raciales, relevés lors des séances tenues à Paris, ne seraient pas repris à Tours ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que le spectacle prévu constitue lui-même une menace d'une telle nature à l'ordre public ».[71]

On relèvera en effet l’abandon de l’allusion aux neuf condamnations pénales, dont on pouvait effectivement se demander le rapport avec l’interdiction préventive d’un spectacle, et une formulation plus éventuelle des risque de troubles, que la deuxième et la troisième ordonnance du Conseil d’Etat se contentent de considérer comme difficiles « à écarter ».

Il n’en reste pas moins que le Conseil d’Etat valida dans ces trois ordonnances très commentées et très critiquées, sur le fondement implicite d’une circulaire du Ministère de l’Intérieur, une très grave atteinte à la liberté d’expression, en admettant que des propos (et non des traitements physiques dégradant comme dans le « lancer de nain ») puissent porter atteinte à la dignité de la personne humaine, en l’absence de risques réels matériels. Le fait que le spectacle en question soit plus que contestable dans son principe comme dans son contenu et sa forme, et que la « quenelle » dégénère[72] ne suffit pas à justifier, selon nous, une  telle atteinte (interdiction) à une liberté constitutionnelle aussi essentielle que la liberté d’expression. Cet élargissement, qualifié opportunément de « dilatation de l’ordre public général »[73] n’est pas sans danger de subjectivisation de l’ordre public au gré du pouvoir de pression des groupes hostiles à tel ou tel artiste.

En effet,  le choix sociétal doit sans doute avoir des limites pour l’autorité de police générale : un maire ne peut par exemple pas utiliser ses pouvoirs de police générale pour interdire les essais en plein champ de plantes génétiquement modifiées[74], les coupures d’électricité[75] ou encore les coupures d’eau[76] !

Dans ces conditions, les ordonnances DIEUDONNE ont fait l’objet de violentes critiques, naturellement dans le milieu politique, mais aussi et surtout chez les juristes. Certains citèrent naturellement le mot de Victor Hugo selon lequel « La censure a toujours tort[77] » . Même les universitaires de gauche contestèrent cette décision, laissant une « Profonde amertume, (…) goût de cendre en raison de l’atteinte partielle portée à une conception de l’Etat de droit par le Conseil d’Etat[78] ». ]

Face aux critiques, le Conseil d’Etat s’est exprimé par la voie de son vice-président Jean Marc SAUVE[79], évoquant la dimension nouvelle du « dossier »[80] :

« Le Conseil d’Etat n’a jamais été confronté à des dossiers dont les caractéristiques étaient analogues à celles du spectacle qui a justifié les mesures d’interdiction.

En particulier, c’est la première fois que se pose la question de savoir comment prévenir des provocations répétées à la haine et à la discrimination raciale et des propos portant atteinte à la dignité humaine »

Le Vice Président a estimé que « dans ces affaires, il s’est situé dans la continuité de sa jurisprudence, qui est protectrice des libertés, mais qui a aussi intégré la dignité humaine comme composante de l’Ordre public. Lorsqu’il se prononce, il le fait aussi au regard de la Convention Européenne des droits de l’homme (C.E.D.H), dont les articles 10 et 11 assortissent les libertés d’expression et de réunion de restrictions nécessaires et proportionnées »

Cette dignité humaine est selon lui une notion « qui fait écho aux valeurs et principes essentiels de notre société, sans lesquels le lien social serait rompu »

C’est donc de cohésion sociale dont il s’agirait.

Pour certains, ce fondement de la cohésion sociale est discutable[81] et  même dangereux car si le risque de troubles est réel, c’est à l’Etat de mettre les moyens de police nécessaires pour préserver la liberté de défiler[82].

Une chose est certaine : l’ordre public n’est plus seulement matériel ; il est moral et même politique !

Conclusion  le pouvoir prétorien et  la pensée unique : un risque pour le principe de sécurité juridique ?

La combinaison de la modification de la nature de l’ordre public, devenu moral et politique et de l’importance de l’appréciation prétorienne ne présente-t-elle pas un risque en termes de libertés ?

De la cohésion sociale à la « pensée unique » ?

On l’a vu, le Vice Président du Conseil d’Etat justifia sa jurisprudence « DIEUDONNE » par un souci de cohésion sociale.

Mais de la cohésion sociale à la pensée unique, il n’y a qu’un petit « Rubicon » à franchir.

L'expression « pensée unique » est généralement utilisée dans le monde politico-médiatique européen pour accuser de conformisme les idées considérées comme majoritaires dans leurs pays respectifs et dans l'Europe communautaire, surtout depuis le dernier quart du XXe siècle.

Elle[83] vise à dénoncer, pour les uns ce qu'ils considèrent comme une domination idéologique qui promeut certains choix de société, présentés comme seuls légitimes, concernant l'économie, l'intégration européenne, la libéralisation des mœurs, l'immigration, pour les autres ce qu'ils voient comme la permanence d'un esprit étatique, collectiviste, centralisateur et nationaliste promu comme seule voie respectable pour servir l'intérêt général et devant primer les libertés et responsabilités individuelles ainsi que l'ouverture sur le monde.

Mais en réalité, il n'existe plus aujourd'hui « une seule » pensée unique mais plusieurs. Gustave Parking dit même dans une boutade : « Tout le monde est d'accord pour critiquer la pensée unique.[84] », De fait, en caricaturant,  la gauche et certains mouvements altermondialistes dénoncent une pensée unique « néolibérale », tandis que les mouvements libéraux de droite dénoncent une pensée unique anti-libérale.,

Pour cette raison, dans un souci d’objectivité on lui préférera l’expression de « politiquement correct », qui une sorte de cohésion sociale … politique au sens noble.

Mais le concept de « correct » acceptable dans un diner chic, une soirée de mariage, une leçon inaugurale a-t-il du sens en termes de liberté d’expression, qui est sans nul doute une de nos valeurs constitutionnelle fondamentale ?

Et puis et surtout, qui est légitime à  assurer le contrôle du politiquement correct ? Pas le politique (ni l’exécutif, trop concerné, ni le législatif, car il faut permettre l’alternance[85]), pas l’Administration (qui par définition est au service[86]du pouvoir politique en place), pas le peuple car le lynchage, même consensuel, ne saurait être acceptable.

En fait seul le juge, et le juge ordinaire, car le juge constitutionnel  n’est pas d’accès direct et rapide, pourrait faire cet office ;

En a-t-il la réelle indépendance nécessaire ?

Un juge français trop proche de l'administration ?

On rappellera que l’affaire Dieudonné est venue d’une circulaire du Ministre de l’Intérieur[87] suggérant aux Préfets d’interdire le spectacle de DIEUDONNÉ.

Mais en France, des Préfets aux juges administratifs, il  n’y a qu’un pas. Dans l’ordre administratif, en application de la théorie de "l'administrateur-juge", selon la règle que "juger l'administration, c'est encore administrer" et par méfiance de la magistrature de l'Ancien Régime, les révolutionnaires de 1789 ont voulu un juge de l'administration faisant lui-même partie intégrante de l'administration. Cette théorie a été consacrée par le Consulat et l'Empire, toujours reprise par les Républiques suivantes, notre système juridictionnel actuel "recrutant" les juges administratifs au sein de l'administration, pour l'essentiel à la sortie de l'Ecole Nationale d'Administration, pour le reste par concours administratifs.

De la sorte, si la compétence des juges administratifs ne saurait être remise en cause, leur indépendance réelle ne peut qu'être mise en doute par les justiciables.

Au delà des textes consacrant une indépendance de principe[88], la réalité culturelle, sociologique et même de carrière ne peut que rapprocher les juges administratifs des justiciables administratifs : formés à la même école (esprit de "promotion"), ayant connu les mêmes "stages" en milieu administratif, ayant les mêmes réflexes (primauté du service public, compréhension du besoin d'économiser les deniers publics, sens de l'intérêt général...), susceptibles de revenir dans l'administration d'origine, participant aux mêmes activités collectives (vœux du préfet et autres autorités, colloques ...), les juges restent très proches de la principale partie défenderesse du procès administratif, savoir l'administration. Associée à un pouvoir d'appréciation très important, cette proximité peut conduire le justiciable à mettre en doute l'impartialité du juge administratif.

En tous les cas, le droit administratif français est essentiellement prétorien, et comme tout système d'essence aristotélicienne, relativiste et sans critères péremptoires et irréfragables. Il repose sur une sorte "d'intime conviction" du juge et de résolution in concreto de chaque litige, à travers une technique jurisprudentielle qui a fait ses preuves, celle du faisceau d'indices, comme le relevait déjà si bien Jean Dufau[89] il y a plus de trente ans. L'adjonction sédimentaire des solutions d'espèce permet la constitution de véritables lignes jurisprudentielles.

Plus encore la « pensée unique », illustrée en matière de définition de l’ordre public par le juge administratif, existe aussi devant le juge judiciaire.

Une candidate du front national  aux élections municipales de juin 2014,  Anne-Sophie Leclere, avait partagé sur Facebook un photomontage comparant indirectement  Christiane Taubira, Ministre de la Justice en exercice, à un singe, par juxtaposition d'une photo d'un singe nouveau né et de la photo de la ministre, comme  s'il s'agissait de la même personne. Elle fut exclue de son parti, ce qui est compréhensible.

Mais sur action personnelle du garde des sceaux, qui  avait choisi le Tribunal de Grande Instance de Cayenne[90], la condamnation par ce dernier, de la candidate à 9 mois de prison ferme, 5 ans d’inéligibilité, et 50 000€ d’amende parait pour le  moins disproportionnée.  Le mauvais gout, la bêtise paraissent ici un peu cher payés.

Condamné pour sa part à une peine de 30.000 euros d'amende, le Front national avait réagi en qualifiant le procès de «chausse trappe» au motif qu'il «n'est pas parvenu à trouver à Cayenne un avocat susceptible de le défendre» et que sa demande de récusation du président du TGI guyanais, pour appartenance au syndicat de la magistrature[91], n'avait pas été entendue.

En tous les cas, cette affaire illustre une fois de plus les difficultés de la rencontre entre morale, pensée dominante et application du droit. 

Une jurisprudence récente rassurante ?

La très récente crise de Gaza, de juillet et aout 2014 a illustré, sur le plan de la définition juridictionnelle de l’ordre public en France, à défaut de solution à ce conflit armé, les limites des risques de dérive de l’ordre public. Deux manifestations anti israéliennes avaient  été interdites par le Préfet de police de Paris, à raison des « risques de troubles matériels », à la suite des désordres et destructions opérées par les manifestants lors d’une manifestation précédente. Bien que la morale dominante, pour ne pas dire l’opinion politique dominante en France était plutôt celles de la sympathie à l’égard des victimes palestiniennes et donc à la cause défendue par les manifestants, le Conseil d’Etat, par deux ordonnances[92], confirma la légalité de l’interdiction de la manifestation, au nom d’une conception matérielle de l’ordre public.

Il est vrai que dans ce dernier exemple, autoriser la manifestation anti Israël était pour l’Etat français prendre d’une certaine manière prendre position en faveur du camp palestinien et qu’ainsi la question de l’ordre public à Paris n’était pas seule en jeu.

Il résulte de tout ceci que rien n’est simple en droit et surtout que la tendance du droit moderne dans nos démocraties est davantage celle de l’instabilité que celle des certitudes.

Or le principe de sécurité juridique, qui conditionne l’efficience du droit est essentiel car l’impression de non droit (absence de règles précises et stable) est encore pire que celle d’avoir un droit à géométrie morale et politique variable.

Je pense à l’instar de Churchill (« la démocratie est le plus mauvais des régimes à l’exception de tous les autres ») qu’un ordre public exclusivement matériel est sans doute le plus mauvais des ordres publics, mais à l’exception de tous les autres (moraux et politiques).

 

[1] Ordine morale, dignita umana e « neutralita » del diritto, dal lacio del nano al comico razzista,  Conférence prononcée le 22 septembre 2014 à l’Université de Rome 3, en qualité de leçon inaugurale de la rentrée académique de cette université.

[2] La « quenelle » « bislungia » (littéralement qui est de forme oblong  ou encore « polpettina » (au sens culinaire) est totalement intraduisible en italien : il s'agit d'une sorte de compromis entre un  salut nazi à l'envers (vers le bas » et un « bras d'honneur » : attribué au comique Dieudonné. En 1964 déjà, dans le film de Stanley Kubrick, le «Docteur Folamour», joué par Peter Sellers, la pratiquait pour contenir un étrange TOC, un salut nazi presque naturel, qui nécessitait qu'il empêche son bras droit de monter avec son bras gauche Assis dans un fauteuil roulant, le professeur ne peut s'empêcher de lever le bras droit pour, semble-t-il, faire un salut nazi. S'il arrive tant bien que mal à réprimer celui-ci avec le bras gauche, il ne peut retenir un «Ja wohl, mein Führer !» à la gloire d’Hitler. Repris par le comique « Dieudonné », ce geste est devenu en France, par le canal de ce comique, l'expression de l’antisémitisme. Le sens initial revendiqué par ses auteurs (anarchisme antisociale) a de toute façon dérapé vers un geste symboliquement antisémite, notamment dans certains milieux intégristes islamistes français.

[3] on précisera qu'en France, depuis la révolution de 1789, il existe deux ordres juridictionnels totalement distincts, l'ordre juridictionnel classique, de droit commun, à la tête duquel se trouve Cour de Cassation, et l'ordre administratif, au sommet duquel se trouve le conseil d'État, ou plus exactement l'une de ses six sections, la plus importante, dite section du contentieux

[4] CE Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang sur Orge et Ville d’Aix en Provence, RDP 96. 536, note M. Gros.

[5] Conseil d’Etat 9 janvier 2014, Ministre de l’intérieur / les productions de la plume et M. DIEUDONNE M’BALA M’BALA (374508).

[6] En réalité, si le nain (Cf. infra) a perdu toute activité  professionnelle, le comique Dieudonné continue son spectacle en l’ayant édulcoré.

[7] Cette constitution, d'inspiration rousseauiste, très révolutionnaire et intolérante, ne fut jamais appliquée : l’ennemi (les monarchies étrangères) frappant aux portes du territoire français, la Convention consacrait l'établissement d'un régime de Terreur, déclarant : « Le gouvernement provisoire de la France sera révolutionnaire jusqu'à la paix ». Il avait été convenu que la paix revenue, la constitution serait ressortie de son arche de cèdre où elle avait été enfermée, pour être appliquée. À la fin de la guerre, les révolutionnaires les plus durs ayant montré leurs limites démocratiques, notamment pendant l'épisode de Robespierre, il fut décidé de ne jamais appliquer cette constitution, et c’est la constitution très bourgeoise du Directoire (1795) qui succéda à la première constitution française de 1791.

[8] La femme adultère était passible d'un emprisonnement de 3 mois à 2 ans, jusqu’à la, loi du 11 juillet 1975 qui n’en fait qu’une cause de divorce, mais est dépénalisée.

[9] Si certains régimes connaissent encore la conception de l'Etat de "police", c'est à dire de l'efficacité avant tout, même au détriment de certaines libertés et droits fondamentaux, la France a opté pour une conception administrative de l'Etat de "droit".

Celle-ci suppose une priorité absolue de certaines libertés et droits fondamentaux sur les prérogatives administratives. Elle a été consacrée en France à la Révolution. Elle s'exprime en termes d'obligations administratives par le principe de légalité, qui doit être entendu au sens large de la régularité. Elle signifie que l'administration devra, dans ses actions, respecter la légalité contenue dans les règles juridiques supérieures à l'administration.

L'expression principe de "légalité" vient du terme "loi" et trouve son origine dans le fait que jusqu'en 1958 (Cinquième République) les normes juridiques ne pouvait résulter que d'un pouvoir extra-administratif ; le Parlement. Cela donnait tout son sens au contrôle de légalité ; le juge administratif vérifiait le respect par l'administration de toutes les règles juridiques.

Depuis, la naissance de l’Union européenne et de son système juridique intégré , l'éclatement des pouvoirs normatifs de force législative sous la Cinquième République, l’efficience du droit de la Convention européenne des droits de l’homme, et l’émergence de principes nouveaux, notamment en matière environnementale, l'expression principe de légalité est beaucoup plus confuse et il convient d'examiner, parmi les règles de droit, quelles sont celles que l'administration doit respecter. L'étude du principe de légalité suppose donc la connaissance de la hiérarchie des règles de droit.

[10]Celui-ci connaît toutefois certaines limites pratiques : sur 100 actes administratifs défavorables aux administrés, on constate que seuls 10 feront l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (peur du recours à la justice, méconnaissance du droit, caractère onéreux du recours à un praticien...). Sur ces 10 recours, on constate statistiquement qu'un seul se traduira par une annulation. Les risques de sanction du non respect de la légalité, s'ils existent pour l'Administration, sont donc statistiquement assez limités.

[11] La police peut être de nature législative, et est constituée alors des textes législatifs ayant pour but le maintien de l'ordre (code de la route, lois sur la drogue, l'alcoolisme...). Elle peut être de nature administrative, soit pour appliquer la précédente (contrôle du respect des textes, précision de ceux-ci, sanction de leur non application), soit de manière autonome (pouvoirs généraux des maires et préfets en matière de police). Elle peut avoir alors un caractère réglementaire, par l'édiction de règles générales et impersonnelles (Imposition de feu tricolore, d'un panneau d'interdiction de stationnement) ou individuel, par la prise de mesures individuelles (Arrêté d'expulsion, fermeture d'un débit de boisson.

[12] La distinction entre les deux types de police est, en l'absence de textes généraux de définition, le fait du juge saisi, qui s'estimera ou non compétent en fonction de l'activité de police en cause. La police administrative peut se définir comme préventive (éviter les troubles) alors que la police judiciaire est répressive (rechercher les auteurs et les preuves des infractions). Mais cette distinction théorique apparemment simple se heurte très vite à la complexité des hypothèses pratiques : si la mise en place d'un barrage de police est nécessairement préventive (police administrative), en cas de forcement de ce barrage par un automobiliste, les actions policières consécutives deviennent répressives (police judiciaire).

Aussi la jurisprudence, tant judiciaire qu'administrative, a dû créer un critère finaliste de fixation de la distinction, fondé sur l'intention de l'autorité de police au moment des faits litigieux.

[13] CE, 19/5/33, Benjamin R. 451 (Cf. infra).

[14] C'est le cas des régimes d'autorisation préalable. Si le législateur peut prescrire ce type de déclaration préalable à l'exercice d'une liberté (cas par exemple de la liberté de manifestation), voire une demande d'autorisation (en cas par exemple d'organisation d'épreuves sportives sur la voie publique), cette faculté a été refusée par le juge aux simples autorités de police. L'interdiction de principe a été consacrée à propos de la liberté du commerce et de l'industrie en matière de circulation, à l'occasion de la célèbre jurisprudence "Daudignac", par un arrêt d'assemblée de 1951 (CE Ass., 22/6/51, Daudignac R. 362) : annulation d'un arrêté du maire de Montauban subordonnant à autorisation l'exercice de l'activité de photographe sur la voie publique. Le principe a été étendu par la suite à toutes les libertés essentielles, notamment de déplacement, par exemple pour l'utilisation des pistes de ski de fond (CE, 22/1/82, Association foyer de ski de fond de Crévaux R. 30) ou des rivières du domaine privé (CE, 13/11/92, Ligue du centre de canoë-kayak DA 93 n°22). Subissent la même sanction juridictionnelle les mesures portant interdiction générale et absolue et empêchant de ce fait l'expression d'une liberté de manière définitive. Ainsi de l'interdiction totale pendant tout l'été de l'activité des photo filmeurs sur la route menant au Mont-Saint-Michel (CE, 13/3/68, Epoux Leroy R. 178.), ou plus pittoresque de la décision de répression systématique des "aboiements et hurlements de chien" prise par le maire de Mougins (CE, 5/2/60, Commune de Mougins R. 83)

[15]Par l'application du fameux "bilan coûts-avantages" dégagé par la célèbre jurisprudence "Ville Nouvelle est" (CE, 28/5/71, RDP 72 454, note Waline) et ses développements.

[16] Ainsi, à l'occasion de l'arrêt "Benjamin", véritable clef de voûte de l'édifice jurisprudentiel en la matière, le Conseil d'Etat relevait que l'interdiction d'une conférence était excessive, en ce que "l'éventualité de troubles (...) ne présentait pas un degré de gravité tel qu'il n'ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l'ordre en édictant les mesures de police qu'il lui appartenait de prendre."

[17]CE, 26/7/87, Michel et Francis Guyot, AJDA 87 689 :"(...) alors que le maire avait la possibilité de prévenir et de réprimer les nuisances constatées en prenant les mesures de police appropriées.

[18]CE, 12/3/86, Préfet de Police de Paris / Metzler, DA 86 n°226 : "... il incombe au Préfet (...) de prendre les mesures appropriées."

[19]CE, 27/4/79, Commune de Saint Germain, R. 653.

[20]CE, 14/5/82, Association internationale pour la conscience de Krisna, R. 179.

[21]CE, ordonnance du juge des référés, 27 juillet 2001, Ville d’Etampes, n°236489 : interdiction pour les mineurs de moins de treize ans non accompagnés d’une personne majeure de circuler sur le territoire de la commune entre 22h et 6h. Eu égard à la taille de la ville et à la mobilité des bandes de jeunes délinquants, il était en l’espèce irréaliste de limiter l’interdiction de circulation à certaines fractions de quartier.

[22]CE, ord. 5 janvier 2007, Ministre de l’intérieur c/ Association Solidarité des français, n°300311 :  la liberté de manifestation, invoqué par l’association, ne fait pas obstacle à ce que l’autorité de police interdise une activité si une telle mesure est la seule de nature à prévenir un trouble à l’ordre public.

[23] Ce procès fait au juge peut sembler, à la lumière de plus de cinquante ans de jurisprudence, paraître excessif en raison de la démarche négative opérée par le juge : si ce dernier évoque parfois "d'autres mesures", il ne les examine jamais et suggère simplement qu'elles auraient pu être plus appropriées. En réalité, le juge s'arrête précisément à la limite du contrôle d'opportunité, ne proposant jamais explicitement les mesures "les plus appropriées". En fait, il se contente d'écarter les mesures "inappropriées" en les annulant.

[24]CE, 26 juillet 1985, Ville d'Aix-en-Provence, RFDA 86, 439, concl. Genevois : ce dernier estimait que de "simples rumeurs de plasticage" d'une salle de cinéma par un réseau "honneur et prestige" et de simples menaces d'un "comité de soutien aux victimes" n'étaient pas crédibles. En revanche, il y avait tout lieu de croire que de telles menaces provenant d'un réseau palestinien, ou qu'une menace de barrage des routes par un syndicat de camionneurs pourraient être prises en considération.

[25]CE, 10/12/93, Madame Maes, RDP 94, 819, note M. Gros : annulation d'un refus d'utiliser une "voiturette" dans l'île d'Houat à un résident "alors que celui-ci était atteint d'une grave insuffisance coronarienne et qu'il lui était impossible de se déplacer sans assistance mécanique."

[26]De Laubadère, Vénézia et Gaudemet, traité de droit administratif LGDJ 1992, Tome 1 page 718.

[27]Le terme de sûreté a remplacé dans les textes celui de tranquillité, mais sans aucune modification de contenu.

[28] La sûreté a pour objectif de limiter les risques de désordre (réglementation du bruit, de l'alcoolisme chez les mineurs...), la sécurité d'éviter les risques d'accidents (réglementation de la vitesse), et la salubrité de prévenir les risques de maladie (hygiène, dératisation).

Le bon ordre est tout à la fois plus emprunt de syncrétisme et paradoxalement plus subjectif. Englobant les trois éléments des buts de police (sûreté, sécurité et salubrité), il les dépasse et constitue de la sorte l'élément de variabilité de la définition de ceux-ci

[29] Il est logique que la nature du régime politique détermine le contenu de la notion d'ordre public et conditionne l'étendue du pouvoir de police. On distingue traditionnellement "Etat de police" où la primauté va à l'assurance de l'ordre, et "Etat de Droit" où la garantie des droits et libertés constitue la limite aux exigences de l'ordre. Les régimes occidentaux appartiennent naturellement à la seconde catégorie, la police ne pouvant être qu'un moyen d'assurer le respect des droits de l'individu et non une fin en soi. Ainsi l'interdiction de stationner ne sera dictée que par la volonté de permettre à tous de circuler, et l'interdiction de fumer ne sera justifiée que par la nécessité de permettre aux autres de … respirer, c’est-à-dire par le respect d’impératifs de santé publique[29]. En somme, dans l'Etat de droit, la privation de liberté (police) ne doit viser qu'à permettre l'exercice de la liberté (droits individuels).

Pour autant, même au sein des Etats de droit, le champ précis de limitation licite de liberté pourra varier en fonction de la politique du pouvoir en place. Ainsi par exemple, la législation et l'application de police en matière de lutte contre la toxicomanie pourront être plus ou moins préventives ou répressives selon les majorités parlementaires ou la personnalité des ministres. Mais l'essentiel des buts de police seront surtout fonction du régime politique des Etats, la majorité parlementaire et gouvernementale, comme la personnalité des dirigeants ne permettant que des variations légères, à tout le moins sur des périodes courtes. Sur des périodes plus longues, les variations sont plus sensibles.

[30] Selon les époques, l'ordre moral pourra évoluer. Ainsi, en matière de police cinématographique, la notion d'immoralité a suivi l'évolution des mœurs. L'interdiction, admise à l'époque par le juge administratif, de films comme "Le blé en herbe" à Nice ou "La jument verte" à Cosne CE, 18/12/1959, Société Les films Lutétia R. 693 pour Nice et CE, 9/3/62, Société nouvelle des établissements Gaumont R. 162 pour Cosne, prête nécessairement à sourire aujourd'hui. Dans le même sens, une simple immoralité dans l'esprit des "liaisons dangereuses" (libre adultère d'un couple) avait pu justifier une interdiction par le maire de Lisieux[30], alors que vingt cinq ans plus tard, la reprise de ce film, avec cette fois la mise à l'image de scènes sexuelles qui n'étaient que sous entendues dans la première version, ne suscita aucune interdiction. En revanche, si la sexualité à l'écran n'est plus nécessairement attentatoire à l'ordre moral, la légitimation par exemple du trafic de stupéfiants[30] ou l'ironie sur la religion[30] sont encore aujourd'hui susceptibles d'être frappées d'interdiction. Certes, des considérations d'ordre local (Cf. infra) et des risques éventuels de troubles matériels à l'ordre public serviront de fondements aux interdictions, mais des éléments de moralité[30] sont nécessairement présents. Le juge administratif, dans le cadre du contrôle de la légalité des mesures d'interdiction, suivra nécessairement l'évolution de cet ordre moral.

[31] Célèbre Professeur de droit de l’Université de Toulouse (1856-1929), Maurice HAURIOU est le fondateur de l’Ecole de la puissance publique, justifiant l’application du droit administratif (dérogatoire au droit commun) par la présence de la puissance publique. La fonction de maintien  de l’ordre public relève bien sur de ce type de compétence. En 1927 dans une édition ultérieure de son Précis de droit administratif, il écrivait dans le même esprit "L’ordre public, au sens de la police, est l’ordre matériel et extérieur. […] La police […] n’essaie point d’atteindre  les causes profondes du mal social, elle se contente de rétablir l’ordre matériel. […] En d’autres termes, elle ne poursuit pas l’ordre moral dans les idées"

[32] CE 7 novembre 1924, Club sportif châlonnais, Rec., p. 863, à propos de l'interdiction de combats de boxe.

[33] CE 19 mai 1933 précité

[34] CE 18 décembre 1959 Société Les films Lutétia Rec., p. 693.

[35] Sirey 1960, p. 94. Selon les termes mêmes de ses conclusions, l'ordre public ne pouvait être que matériel et extérieur, l'autorité de police ne peut prévenir les désordres moraux sans porter atteinte d la liberté de conscience (—Y. Pour le Commissaire du Gouvernement Mayras encore, il était "impossible d'admettre que la seule atteinte à la moralité publique, c'est à dire le trouble dans les consciences" pût être constitutive en elle-même d’un motif justifiant l'interdiction de représentation d'un film, s'il n'est pas établi que des désordres matériels risqueraient d'en résulter."

[36] CE 26 juillet 1985 Ville d'Aix en Provence Rec, p. 236.

[37] Le film le Pull over rouge est immoral et il tend à remettre en cause l'autorité de la chose définitivement jugée et pore ainsi atteinte à une institution essentielle de la société française". Conclusions Genevois, RFDA 1986, p. 439.

[38] « qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette projection, quel que fut le caractère de ce film, ait été de nature à porter atteinte au bon ordre ou à la tranquillité public dans la ville.'

[39] TA Versailles 25 février 1992 Société Fun Productions.

[40] Dans le même sens, en matière cinématographique, un jugement du tribunal administratif de Bordeaux (TA Bordeaux 13 décembre 1990, United International Picatres/Commune d’Arcachon, PA 11/12/91, p. 16, note Pacteau), annulait l'arrêté d'interdiction par le Maire d'Arcachon de la projection du lilas La dernière tentation du Christ, au motif que ladite projection n'était pas de nature à provoquer des troubles matériels sérieux", ne retenant qu’en outre' le défaut de circonstances locales, et "au demeurant" l'absence "d'atteinte grave aux consciences"

[41]  Actuellement L 2212-1 et 2 du code général des collectivités territoriales.

[42] TA Versailles 25 février 1992 Société Fun Productions,  où le  tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le fait qu'à supposer même que le spectacle ait porté atteinte à la dignité de la personne humaine, son interdiction ne pouvait être légalement prononcée en l'absence de circonstances locales particulières

[43] TA Marseille 8 octobre 1992 Société Fun Productions, où le  tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur le fait que l'attraction litigieuse ne portait pas atteinte à la dignité de la personne humaine et qu'ainsi elle ne mettait en cause ni la sécurité ni la moralité publiques.

[44]CE Ass., 27 octobre 1995, RDP 96. 536, note M. Gros.

[45] Les deux arrêts sont ils sur ce point  révolutionnaires ? L'on aurait pu répondre par l'affirmative si la définition de l'ordre public avait été, avant leur intervention, celle dégagée à l'époque de l'arrêt Benjamin. Mais il nous semble que la conception strictement matérielle et extérieure de l'ordre public est depuis longtemps remise en cause, ne serait-ce que par l'admission complémentaire opérée en 1959 dans l'arrêt Lutétia.

A l'extrême, l'originalité de l'arrêt Lutétia ne tenait qu'à ce qu'il portait sur le domaine de la liberté d'expression. En effet les deux arrêts en matière de lancer de nain pourraient n'apparaître que comme la confirmation - certes solennelle - de l'intégration déjà pratiquée en jurisprudence de la moralité dans l'exercice du pouvoir de police municipale: en matière de fermeture d'établissements depuis longtemps"(CE, 26/7/87, Michel et Francis Guyot, AJDA 87 689 :"(...) alors que le maire avait la possibilité de prévenir et de réprimer les nuisances constatées en prenant les mesures de police appropriées, CE, 12/3/86, préfet de Police de Paris / Metzler, DA 86 n° 226 : "... il incombe au préfet(...) de prendre les mesures appropriées.") de l'interdiction de cérémonies religieuses(133CE, 14/5/82, Association internationale pour la conscience de Krishna,  R. 179)o de l’interdiction de circulation CE, ordonnance du juge des référés, 27 juillet 2001, Ville d’Étampes, n° 236489 : interdiction pour les mineurs de moins de treize ans non accompagnés d’une personne majeure de circuler sur le territoire de la commune entre 22h et 6h. Eu égard à la taille de la ville et à la mobilité des bandes de jeunes délinquants, il était en l’espèce irréaliste de limiter l’interdiction de circulation à certaines fractions de quartier) du droit de manifester135 comme dans pratiquement tous les secteurs d'expression des libertés individuelles (135CE, ord. 5 janvier 2007, Ministre de l’Intérieur c/ Association Solidarité des Français, n° 300311 :  la liberté de manifestation, invoquée par l’association, ne fait pas obstacle à ce que l’autorité de police interdise une activité si une telle mesure est la seule de nature à prévenir un trouble à l’ordre public). De même un arrêt Association laissez les vivre - SOS futures mères" de 1993(Conseil d’Etat 28 juillet 1993, n° 107990) pourrait sur ce terrain de l'immatérialité de l'ordre public apparaître comme précurseur des arrêts du 27 octobre 1995, dans son considérant explicite: " Considérant que l'association requérante a projeté, dans le cadre d'une manifestation dirigée contre la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse, de déposer une gerbe au monument aux morts de la commune de Mériel portant l'inscription "Aux trois millions d'enfants tués par avortement" et(…); que le maire de Mériel a interdit la réalisation de ce projet et, se fondant sur cette interdiction, a fait retirer la gerbe que l'association susmentionnée, passant outre à son refus, avait déposée au monument aux morts de la commune ;Considérant qu'il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, même en l'absence de menaces de troubles à l'ordre public, d'interdire l'apposition, sur le monument aux morts de la commune, d'emblèmes de nature à enlever à ce monument son véritable caractère ; que le dépôt de gerbe litigieux, qui était sans rapport avec les événements commémorés par le monument aux morts, était de nature à enlever audit monument son véritable caractère ; qu'il s'ensuit que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée par laquelle le maire a interdit le dépôt au monument aux morts communal de la gerbe portant l'inscription ci-dessus rappelée et prescrit l'enlèvement de la gerbe déposée nonobstant cette interdiction est entachée d'excès de pouvoir et, par suite, à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande »

[46] alors même que des mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause."

[47] Le tribunal administratif de Versailles (jugement du 25 février 1992, précité) avait lui-même jugé que "l'organisation d'un tel spectacle ne pouvait être de nature à laisser présager la survenance de troubles de l'ordre public."

[48] A raison de trois spectacles par semaine en moyenne, Manuel Wackenheim sillonnait en 1995 la France et les hôtels de long en large, drainant autour de sa notoriété, la foule de curieux venus le voir se faire projeter contre des matelas, avec son 1,18 m et son poids de mouche. Il avait  une habilleuse, un présentateur, et est allocataire du RSA (revenu minimal)  chez sa mère de 80 ans, à la frontière de l’Alsace et la Lorraine.

[49] Conclusions Frydman, précitées.

[50] "Considérant que le respect du principe de la liberté du travail et de celui de la liberté du commerce et de l'industrie ne fait pas obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de police municipale interdise une activité même licite si une telle mesure est seule de nature à prévenir ou faire cesser un trouble à l'ordre public."

[51] Décret du 28 juin 1973.

[52] CE 4 juin 1975 Bouvet de la Maisonneuve Bec., p. 330, 22 janvier 1982 Association autodéfense DA 82 n°66

[53] Article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

[54] A la suite des interdictions municipales, le lancer de nain aurait été remplacé, dans les discothèques, par le lancer de ... cuvettes de cabinets!

[55] Note sous l'arrêt du Conseil d'Etat , 7 avril 1916, Astruc et société du théâtre des Champs Elysées / ville de Pans (Sirey 1916, 49. Il continuait d'ailleurs dans un parallèle, étonnant un demi siècle plus tard, entre tabac et théâtre : "Examinons, quant à nous, la question de l'exploitation théâtrale et du service public, au point de tue des bonnes mœurs. (...) L'Etat a organisé le monopole des tabacs, qui lui rapporte de gros revenus et, d'une certaine façon, il préside ainsi à une distraction ou à un amusement, mais l'usage du tabac, bien que présentant certains inconvénients, n'est pas très dangereux pour la santé publique, et surtout il n'a pas d'influence sur la moralité."

[56] CE 27 juillet 1923, Gheusi, D. 1923.3.57, note Appleton.

[57] A supposer même que ledit spectacle ait porté atteinte à la dignité humaine et ait revêtu un aspect dégradant, l'interdiction ne pouvait légalement être décidée en l'absence de circonstances locales particulières." (25 février 1992, précité).

[58] Article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 pour le Conseil d'Etat., à l’époque. Aujourd’hui L 765-1 du Code de Justice administrative

[59] Respectivement équivalents à 2 250 et 1 500 € aujourd’hui.

[60] Le tribunal administratif de Marseille avait en revanche condamné la ville d'Aix en Provence à la somme de 3 000 Frs (environ 500€)  à ce titre.

[61]CE 8 aout 1919 Labonne . R. 737.

[62] Expression empruntée à Jacques Petit, « Les ordonnances Dieudonné : séparer le bon grain de l’ivraie » AJDA 2014 page 871.

[63]Dans cette logique le Conseil d’Etat avait admit la légalité d’un arrêté du Préfet de police de Paris prenant en considération les risques de réactions à ce qui est conçu comme une « démonstration susceptible de porter atteinte à la dignité des personnes privées du secours proposé et de causer ainsi des troubles à l’ordre public. », s’agissant des « soupes au cochon », proposées par une association d’obédience nationaliste et expressément annoncées comme contenant du porc (CE, ord. 5 janvier 2007, Ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire c/ Assoc. SDF, n° 300311). L’affaire de la soupe au cochon est révélatrice : le Conseil d’Etat se référant au fondement et au but de la manifestation et à ses motifs portés à la connaissance du public par le site internet de l’association

[64]  Circulaire du  6 janvier 2014 (NOR :INT K1400238C).

[65] Avant cette affaire, 12 décisions du JA dont 10 ordonnances avaient suspendu ou annulé des arrêts d’interdiction de spectacle de Dieudonné

[66] Article L 521-2 du code de Justice administrative.

[67] TA Nantes 9 janvier 2014 Société les productions de la plume et M. DIEUDONNE M’BALA M’BALA (1400110).

[68] Conseil d’Etat 9 janvier 2014, Ministre de l’intérieur / les productions de la plume et M. DIEUDONNE M’BALA M’BALA (374508).

[69] Et surtout les associations israélites avaient décidé et annoncé qu’elles n’interviendraient pas sur le terrain pour ne pas céder à la provocation.

[70] TA Orléans 10 (1400043) et 11 janvier 2014 (1400080), 2 ordonnances.

[71] Conseil d’Etat 11 janvier 2014 Société les productions de la plume et M. DIEUDONNE M’BALA M’BALA (374528 et 374552)

[72]  Le joueur français ANELKA, en 2013, fit ce geste et fut sanctionné par son club.

[73] Note Jacques Petit, « Les ordonnances Dieudonné : séparer le bon grain de l’ivraie » précitée.

[74]TA Toulouse, 18 janvier 2005, Préfet Haute-Garonne c/ Commune de Bax, DA 2005, 72.

[75]TA Cergy-Pontoise, 2 novembre 2004, Préfet Seine-Saint-Denis c/ Commune Pierrefitte-sur-Seine, n°0407809.

[76]Cf. S. Braconnier, Les arrêtés municipaux anti-coupures d’eau : une réponse juridique inadaptée à un problème social réel, AJDA 2005, p. 644.

[77] La citation complète d’Hugo est « Le sifflet peut avoir tort ou raison. La censure a toujours tort »(Projet de préface pour le « Théâtre en Liberté », repris par ]Bertrand SEILLER, Professeur à l’université Panthéon Assas – Paris II- (AJDA 2014 p 129)

[78] Jack LANG sur l’affaire DIEUDONNE « La décision du Conseil d’Etat est une profonde régression »- Le MONDE 13/01/2014 Avant d’être Ministre de la Culture sous la présidence MITTERAND, Jack LANG fut d’abord Professeur de droit public à Nancy, puis à Paris X.

[79] En France, le Vice Président est en fait le Président fonctionnel du Conseil d’Etat, le Premier Ministre assurant une présidence honorifique.

[80] Le Monde du 11 janvier 2014

[81] Diane ROMAN, professeur de droit public à l’université François Rabelais à Tours – Interviewé par un journaliste du Monde : «Le juge va plus loin : il parle d’atteinte à la cohésion nationale. Quelle définition ? On peut y mettre tout et n’importe quoi ! Critiquer l’action du gouvernement pourrait être considéré comme telle. (…) Dans des dictatures, elle justifie l’emprisonnement des opposants au régime. Même si ce n’est pas la question, c’est perturbant. Cela va à l’encontre de la conception française de la liberté d’expression. ».

[82]  C’est d’ailleurs le sens de la jurisprudence de la CEDH (AFFAIRE ALEXEÏEV c. RUSSIE, Requêtes n°4916/07, 25924/08 and 14599/09) arrêt du 21 octobre 2010 définitif le 11/04/2011) : l’interdiction de manifestation de « Gay Pride » en raison des troubles à l’Ordre public qu’elles entraînent, constitue une violation par la Russie des articles 11 (liberté de réunion pacifique)  13 (recours effectif face à la violation de la liberté de réunion) et 14 (discrimination sexuelle).

[83] L'expression est abusivement attribuée au journaliste Ignacio Ramonet (Directeur du Monde diplomatique de 1990 à 2008, dans un éditorial de 1995 du diplomatique, intitulé » « la pensée unique ». Le terme évoquait et tournait alors en dérision le consensus national et européen en faveur de la monnaie unique. Mais il semble que ce soit le philosophe Alain de Benoist qui ait forgé cette expression en 1993, dans un éditorial de la revue Éléments (« Maccarthysme : le retour », Éléments, n°78, septembre 1993. Par la suite, celle-ci a connu un certain succès, passant du rang de simple cliché journalistique, puis de slogan politique caricatural, à celui de sujet polémique et provocant.

[84] Gustave Parking - Le retour des joies sauvages, 2001.

[85] Peut-on concevoir en Italie d’interdire aux ligues, au parti de Silvio Berlusconi, au parti de Beppe Grillo ou encore de Ilona Staller,  vrai nom de la Cicciolina,  ou  d’Alessandra, petite-fille de Mussolini, d’exprimer une opinion et de se présenter devant le peuple pour être élu ?

[86] Administrer vient du latin Ad/ministrare, qui signifie « au service de … ».

[87] Cf. circulaire Manuel WALLS (Ministre de l’Intérieur,  futur Premier ministre) en date du  6 janvier 2014.

[88]Loi 86-14 du 6 janvier 1986.

[89]Note sous CE Ass. 11 mai 1959, Dauphin, AJDA 59. II. 228

[90] Le demandeur peut choisir le TGI (juge en matière correctionnelle) de  sa résidence, et Madame TAUBIRA, originaire de la Guyane, avait choisi un tribunal sans doute plus sensibilisé aux questions de racisme.

[91] Principal syndicat de magistrats en France, situé très à gauche et proche de la garde des sceaux.

[92] Le juge des référés du Conseil d'Etat avait été saisi d’un recours contre l'interdiction d'une manifestation pro palestinienne à Paris. La préfecture de police estimait que le rassemblement, prévu à 15h00 place de la République, présentait les mêmes risques de violences que celles ayant marqué une précédente manifestation interdite le 19 juillet dans le quartier populaire de Barbès. Le ministre de l'Intérieur lui-même en avait appelé vendredi aux organisateurs, leur enjoignant de "renoncer à la manifestation", qui présenterait "de sérieux risques de troubles à l'ordre public et des risques d'affrontements".  La plus haute juridiction administrative française estima que l'interdiction était justifiée, en raison des violences lors de précédentes manifestations et de l'incapacité des organisateurs à mettre en place un service d'ordre. Saisi d'urgence par les organisateurs de la manifestation pro-palestinienne prévue samedi à Paris, le Conseil d'Etat, a rejeté ce recours et confirmé l'interdiction du rassemblement samedi. Le juge des référés du Conseil d'Etat a estimé que la préfecture de police, qui a interdit le rassemblement vendredi, était justifiée à invoquer les raisons suivantes pour sa décision : les violences lors de précédentes manifestations dans la capitale, les 13 et 19 juillet, le fait que les organisateurs n'aient pas respecté le délai de trois jours pour déclarer la manifestation, et leur incapacité à mettre en place un service d'ordre suffisant.

Publié le 21 décembre 2016