QPC et nouvelles stratégies contentieuses[1]
Citius, tardius, fortius[2]
Le détournement de question prioritaire de constitutionnalité par les justiciables eux –mêmes avait déjà fait l’objet, pour la période « d’essai » de la QPC (2008 -2012) d’un commentaire[3].
La généralisation de ce « détournement » sur les dernières années a conféré une sorte de légitimité à ce qu’il convient d’appeler désormais, de la part des justiciables, de la stratégie contentieuse.
En effet , indépendamment de la pratique du non renvoi, que les juridictions suprêmes pouvaient pratiquer d’une certaine manière comme une sorte de détournement de QPC, par interprétation de la loi au regard de la constitution, cette interprétation étant telle qu’elle justifie le non renvoi au conseil constitutionnel, en qualifiant la QPC comme non revêtue de caractère sérieux, il n’y a de QPC que si quelqu’un la pose, par définition.
Le mémoire en QPC est donc exclusivement le fait des parties.
Dans ces conditions l’on doit considérer le justiciable comme exclusivement à l’origine du détournement de question prioritaire de constitutionnalité.
La QPC, originellement perçue comme un moyen supplétif et abstrait de protection des règles constitutionnelles, sans doute appropriées par le Conseil d’Etat et la cour de Cassation comme une sorte d’office réservé, se révèle, après dix années d’expérience, comme participant même des stratégies contentieuses.
De ce fait, s’agissant de ces stratégies nouvelles, en matière de QPC, le justiciable … c’est l’avocat, ou à tout le moins le juriste praticien de la procédure. Sauf exception la spécificité des parties (l’Etat défendeur mis à part) importera peu : personnes physiques ou morales, associatives ou commerciales, publiques ou privées pourront avoir intérêt, sur la proposition de leur « conseil » d’utiliser, lors d’une instance, la QPC dans un rôle particulier.
Se pose en effet la question de la motivation du « requérant » en question prioritaire de constitutionnalité, qui verrait en celle-ci, non un moyen abstrait de contrôle de constitutionnalité de la loi, ce dont il ne se préoccupe guère, mais un mode de résolution efficiente de l’instance dont il a la charge ou à tout le moins un moyen de servir sa cause au sens large.
La QPC aurait permis aussi – et pourquoi pas- la mise en œuvre par les parties au sens large de nouvelles stratégies contentieuses.
On pourrait y voir plusieurs motivations complémentaires : à l’accélération de l’accès au juge suprême et celle plus fondamentale d’une sorte d’avis contentieux provoqués par le justiciable lui-même pour « aller plus vite » ( Citius 1), s’est ajoutée la généralisation, notamment en contentieux administratif de la QPC « dilatoire », pour « aller plus lentement » (Tardius 2) et aussi d’une certaine manière « aller plus loin » c’est-à-dire plus « fort »que la simple recherche de l’inconstitutionnalité (Fortius 3).
1 Citius : «aller plus vite »
Nous avions déjà proposé ce « détournement » de QPC lors d’une étude précédente. Il reste d’actualité.
1.1 La question prioritaire de constitutionnalité est un moyen d’accélérer l’accès au juge suprême.
Paradoxalement, la question prioritaire de constitutionnalité a pour premier avantage une relative rapidité : par rapport à une procédure de première instance (1 à 5 ans[4]), une procédure en appel (1 à 2 ans) une procédure en cassation (1 à 4 ans) et a fortiori un renvoi préjudiciel devant la CJUE, dans le cadre d'une exception d’inconventionnalité (5 à 10 ans), la question prioritaire de constitutionnalité est incontestablement très rapide, puisque de l'ordre de quelques mois.
Bien menée, c'est-à-dire bien argumentée, elle a des chances sérieuses d'arriver ainsi assez vite devant le conseil d'État, en tous les cas bien plus vite que dans le cadre du double degré de juridiction ordinaire pour atteindre la Haute Assemblée.
À titre d'exemple, l'affaire de Moyeuvre Grande[5], mettant en cause les dispositions de l'article 95 du code minier, ainsi que celle de l'article 75-3 du même code, en matière d'indemnisation en cas de sinistre minier, avaient fait l'objet d'une première requête en 2001, puis d'un jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 10 juillet 2003, suivi d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 17 octobre 2005, pour aboutir à un arrêt décisif du conseil d'État en date du 17 juillet 2009, c'est-à-dire après 8 ans de procédure interne, sans parler des trois années supplémentaires de procédure devant la cour européenne des droits de l'homme[6].
En revanche, dans l’affaire « Association Moselle après mines Moselle Est (AMME)» la question de la constitutionnalité des articles 91 et 92 du même code minier, en matière d'obligation de remise en état par l'exploitant, ont fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité par ordonnance du 20 janvier 2011 et d'une décision du conseil d'État du 15 avril 2011[7], c'est-à-dire en moins de trois mois.
Même si les deux affaires n'étaient pas identiques, elles mettaient en cause les rapports entre des dispositions du code minier issues de la loi du 30 mars 1999 portant réforme du code minier, et des dispositions supra législatives résultant d'un certain nombre de principes fondamentaux, y compris internationaux (première affaire) ou encore des dispositions de la charte constitutionnelle de l'environnement (deuxième affaire).
En d'autres termes, et ce quel que soit son résultat au niveau du conseil d'État, la question prioritaire de constitutionnalité permet d'accéder en quelques mois - même pour un acte réglementaire ne relevant pas de la compétence de premier et dernier ressort du conseil d'État- à la juridiction suprême, alors que l'épuisement des voies internes, pour le même accès, suppose de longues années.
1.2 La question prioritaire de constitutionnalité, avec la complicité du juge suprême, est un moyen rapide d’interprétation de la loi, même en cas de rejet de la question:
Au-delà de l'obtention d'un dernier transfert devant le conseil constitutionnel pour obtenir un examen achevé de la question prioritaire de constitutionnalité, le justiciable pourra sans doute utiliser l'interprétation du conseil d'État, en transfert comme en rejet, pour le fonds de son litige.
L'exemple de la décision « AMME » précitée est significatif.
L'objet de l'objectif de l'association requérante était de faire reconnaître par le juge de l'exploitant minier, c'est-à-dire le juge administratif, les carences de l'exploitant minier au regard des principes environnementaux, notamment des principes de prévention(article 3 de la charte sur l'environnement) , de précaution (article 5) et de pollueur payeur, appelé aujourd'hui principe de réparation (article 4), ainsi d'ailleurs que du principe d'égalité des collectivités territoriales devant les charges publiques notamment en cas de transferts desdites charge par l'État à ces dernières (article 72 de la constitution).
Plus précisément, cet objectif procédural était de contredire l'interprétation de l'exploitant minier (autrefois charbonnages de France, aujourd'hui l'État en tant qu'ayant droit) sur la non soumission, du fait d'un code spécial, le code minier, de cet exploitant minier aux obligations découlant des principes environnementaux et constitutionnels précités, faute d’être contenus dans ledit code.
En d'autres termes, pour prendre l'exemple du principe de précaution, le code minier ne connaissant pas le mot précaution, l'exploitant minier de ce fait considérait n’y être pas soumis dans la mesure où il appliquait, dans ses remises en état, sanctionnées par des arrêtés préfectoraux, les seules exigences littérales dudit code minier.
Il était donc impératif pour l'association requérante de faire admettre que les dispositions du code minier devaient être mises en rapport avec celle de la charte constitutionnelle pour intégrer l'obligation de respect du principe de précaution, pour reprendre le seul exemple de ce dernier principe.
Naturellement cette question du respect de ces obligations par l'exploitant relève du juge du fond et ne pouvait être posée au conseil d'État qu'après épuisement du processus de double juridiction.
Mais en posant, comme en l'espèce, la question de la conformité de l’article 91 du code minier, qui fixe les conditions de remise en état, aux dispositions constitutionnelles contenues dans la charte de l'environnement comme dans le texte même de la constitution, le requérant posait en fait aussi au juge de la question prioritaire de constitutionnalité, celle de la soumission au nom de l'exploitant minier au principe de précaution et aux autres principes.
De fait, dans la décision du 15 avril 2011[8], le conseil d'État, tout en rejetant et en décidant de ne pas transférer au conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, interprétait néanmoins le code minier au regard des obligations constitutionnelles.
En jugeant que « que l'ASSOCIATION APRES-MINES MOSELLE-EST soutient que les dispositions citées ci-dessus de l'article 91 du code minier méconnaissent les principes de prévention et de contribution à la réparation des dommages causés à l'environnement définis par les articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement ainsi que le principe de précaution défini par l'article 5 de cette charte ; que toutefois, l'article 91 du code minier dispose que lors de l'arrêt de travaux miniers l'autorité administrative prescrit les mesures à exécuter par l'exploitant afin de préserver notamment les caractéristiques essentielles du milieu environnant, de faire cesser les désordres et nuisances de toute nature engendrés par ses activités et prévenir les risques de survenance de tels désordres ; que ces dispositions imposent à l'exploitant la charge de faire cesser les dommages causés à l'environnement par les activités minières après leur arrêt ; qu'elles visent également à prévenir les dommages que pourraient ultérieurement causer les concessions minières mises à l'arrêt ; qu'en outre, l'article 93 du code minier prévoit que l'Etat est responsable, après la fin de validité du titre minier, de la surveillance et de la prévention des risques susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes identifiés lors de l'arrêt des travaux et les dispositions contestées n'ont aucunement pour effet d'imposer une charge aux collectivités territoriales ni d'introduire une rupture d'égalité entre ces dernières ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux», le conseil d'État répond en fait à la question par l'affirmative, puisqu'il examine précisément les obligations fixées par le code minier et les considère comme conforme aux articles 3,4 et 5 de la Charte constitutionnelle et à l'article 72 de la constitution.
Pour ce qui regarde la procédure au fond, il était donc facile après cette décision, pour l'association requérante, de développer devant la cour administrative d'appel le fait que puisque le conseil d'État reconnaissait que les articles 91 et suivants du code minier satisfont aux principes de précaution au principe de prévention et au principe de réparation, dans la mesure où l’exploitant doit respecter cet article, il doit aussi respecter les obligations qui en découlent.
Et il est alors beaucoup plus aisé devant le juge du fond, pour l'association requérante d'examiner la remise en état effectivement opérée, cette fois à la loupe des principes de prévention, de précaution et de réparation.[9]
Le requérant, par la question prioritaire de constitutionnalité, avait ainsi fait l'économie de nombreuses années de procédure pour avoir une position de principe - on pourrait presque dire un arrêt de règlement si l'expression était utilisable -sur une question relevant manifestement de la juridiction suprême de l'ordre administratif.
Nul doute que la décision de non transfert au conseil constitutionnel, par sa motivation, avait été perçue comme une grande victoire juridique par l'auteur de la question.
La décision du conseil d'État du 14 septembre 2011 M. Pierre[10] a initiée une sorte de généralisation de l’interprétation par QPC. On se souvient qu’à une question posée sur la conformité des dispositions des articles L 123-3-5 et L 123-4 du code rural aux articles 2 et 6 de la charte de l'environnement[11], le conseil d'État tout en décidant de ne pas renvoyer au conseil constitutionnel la question prioritaire soulevée, précisait son interprétation du code rural pour précisément démontrer sa prise en compte des dispositions constitutionnelles invoquées[12].
Cette fonction dénaturée de la QPC a continuée à se développer par exemple en matière fiscale. On citera pour exemple le contentieux de la TASCOM (Cf. infra).
2. Tardius : « Aller moins vite ».
Immédiatement utilisée par les pénalistes, notamment en cas d’élus justiciables, la QPC dilatoire est un aujourd’hui un grand classique de la procédure juridictionnelle.
On citera pour mémoire les célèbres QPC « Chirac » de 2011, où les conseils des co-prévenus de l'ancien chef de l'Etat avaient fait suspendre la procédure, par transmission à la Cour de cassation le 8 mars 2011, dès le 2ème jour. Le 13 mai 2011, la Cour de cassation avait décidé de ne pas renvoyer[13]. Le tribunal correctionnel de Paris avait prévu en mars de se réunir de nouveau le 20 juin, mais très vite un renvoi à l’automne avait été annoncé. On se souvient que Jacques Chirac avait été condamné en décembre 2011 à deux ans d'emprisonnement avec sursis pour détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d'intérêts, et n'avait pas fait appel. Les QPC n’avaient fait gagner que quelques mois à l’ancien chef de l’Etat[14], mais l’on sait qu’en matière politique, le temps est une donnée essentielle.
En tous les cas, la QPC, par son caractère prioritaire et suspensif du procès au fond devient l’arme de la partie qui a intérêt à faire durer le procès. Elle est unmoyen de rester « vivant ».
Cette utilisation dilatoire de la QPC s’est élargie à des domaines contentieux autres que le pénal, notamment au contentieux administratif, et pour des motifs divers.
En particulier, On notera que si la QPC ne permet pas réellement, dans l’hypothèse où le propices au fond est voué à l’échec, de « survivre » le temps nécessaire, par exemple pour négocier (2.1) elle suffit pour attendre des élections proches (2.2)
2.1 Les délais de la QPC, insuffisants pour pouvoir encore « négocier »
La pratique révèle que la QPC, si elle n’est pas associée à l’exercice des voies de recours traditionnels, quand ceux-ci sont suspensifs, ne permet pas à elle seule la poursuite des négociations en vertu de la règle selon laquelle, seuls les vivants peuvent encore négocier.
Un premier exemple urbanistique illustre ce constat.
Un plan local d’urbanisme (PLU) avait été approuvé dans une commune littorale du sud ouest en 2007. En 2009, le Conseil Municipal de la Commune approuvait un nouveau Plan Local d'Urbanisme compromettant sensiblement la valeur d’un gros ensemble immobilier littoral, devenu inconstructible. La société foncière propriétaire engagea concomitamment des négociations et des contestations contentieuses des différents actes administratifs intervenus. Par jugement en date du 2 octobre 2012, le tribunal administratif de Pau avait rejeté la requête en annulation de la délibération d’approbation, jugement confirmé par un arrêt du 21 octobre 2014 de la cour administrative d’appel de Bordeaux. En 2015, deux instances, cette fois en indemnisation, étaient engagées devant le tribunal administratif de Pau : l’une sur le fondement de la responsabilité pour faute de la commune, l’autre sur le fondement de la responsabilité sans faute de celle-ci. Se heurtant à l’évidence de l’interdiction législative des servitudes d’urbanisme, le conseil des requérants initia le 3 mars 2015 une QPC.
En l’espèce, les dispositions législatives faisant l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité étaient les dispositions de l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme applicable à l’instance en cours (reprises à l’heure actuelle à l’article L. 105-1 du code de l’urbanisme[15]).
Dans une décision QPC précédente[16], le Conseil d’Etat avait considéré que la question portant sur la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme ne présentait pas un caractère sérieux, mais en se fondant sur l’existence d’exceptions[17]. La QPC nouvelle, dilatoire on le rappellera, tentait de se justifier en considérant que le Conseil d’Etat fondait son refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité sur les exceptions posées au principe de non indemnisation des servitudes d’urbanisme. Il se fondait sur le fait que le Conseil Constitutionnel a jugé « qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition[18] ; »
Il s’agissait donc de contester l’interprétation jurisprudentielle constante conférée aux dispositions de l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme et non les dispositions en tant que telles, rendant la nouvelle question distincte de celle soumise au Conseil d’Etat en 2010.
A l’appui de sa QPC « nouvelle » , le requérant développait la contrariété au droit de propriété constitutionnellement garanti aux articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à laquelle renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, à raison de l’interprétation qui est faite de l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme (aujourd’hui L. 105-1) et qui méconnait ce droit fondamental, la propriété étant définie à l’article 544 du code civil comme le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, en privant de son caractère constructible une parcelle propriété d’une personne privée, la collectivité porte atteinte au droit d’usage et de jouissance de son bien[19].
Pour le cas du refus de toute indemnisation des servitudes d’urbanisme, l’interprétation jurisprudentielle conduisait à autoriser toute servitude d’urbanisme sans aucune contrepartie, à moins d’être dans le cas particulièrement circonscrit de l’atteinte à un droit acquis au sens de la jurisprudence.
Il développait également la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques, qui découle des dispositions de l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789[20] et la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel[21].
Le tribunal administratif de Pau rejetterait la QPC par décision du 3 juin 2016[22] pour défaut de caractère sérieux.
En réalité, malgré un débat intéressant sur le droit à remise en cause des interprétations du Conseil d’Etat à la faveur des QPC successives, la stratégie de QPC « dilatoire » ne permit que de gagner 3 mois, durée insuffisante pour achever les négociations en cours.
En réalité seule la lenteur de la procédure au fond, achevée en fin 2019[23] allait permettre cette « survie » nécessaire à la réalisation d’un accord.
De la sorte, si la QPC présente un intérêt dilatoire, ce n’est que lorsqu’il s’agit de gagner, tout de suite, quelques mois, ce que les pénalistes ont bien compris dès 2008.
Pour autant, quelques mois, c’est parfois beaucoup.
2.2 Les délais de QPC, suffisants, pour attendre les élections
La question prioritaire de constitutionnalité à servi de nouvelle arme dilatoire cette fois au défendeur au fond, dans la combinaison du poids de pression que représentent les opérateurs de téléphonie mobileet de celui des électeurs des futurs élections municipales de 2020.
Le « poids » des opérateurs, encouragés par les préfectures, dans le cadre d’une politique nationalede couverture systématique et complète du territoire français, a conduit depuis quelques années les maires des petites et moyennes communes à accorder généreusement les permis de construire ou ne pas s’opposer aux déclarations préalables en matière d’antenne relais.
C’est dans ce contexte qu’un maire de petite commune minière avait dans un premier temps , par arrêtéen date du 8 avril 2019, accordé un permis de construire à un operateur, pour un pylône, relais de téléphonie.
A la suite d’une réunion publique de concertation en date du 7 mai 2019 et devant un recours gracieux de près d’un millier de personnes, demandant le retrait de ce permis de construire, le maire opérait « nouvelle » instruction, et considérait que dans la mesure où il existe une obligation pour l’autorité administrative de retirer un acte illégal, et où aux termes de la combinaison de l’article L 242-1 du code des relations entre le public et l’administration, et du L 424-5 du code de l’urbanisme, modifié par LOI n°2014-366 du 24 mars 2014 - art. 134 (V), l’autorité administrative peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de trois mois[24] suivant la prise de cette décision le maire, l’autorité municipale était en droit et devait retirer l’arrêté du 8 avril 2019 à condition de le faire dans le délai.
C’est dans ces conditions que le Maire de la commune avait, par arrêté du 10 mai 2019, soit avant l‘expiration du délai, retiré l’arrêté contesté. L’opérateur exerçait un recours gracieux, auquel par décision implicite, le maire opposait un rejet. Par une requête enregistrée le 20 septembre 2019, l’opérateur demandait l’annulation de cette décision ainsi que de l’arrêté du 10 mai 2019.
Le moyen principal à l’appui de la requête était tiré de la violation de l’article 222[25] de la loi du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « Elan », et faisant exception –jusqu’en 2020- au droit de retrait des maires en matière d’autorisation d’urbanisme relatives aux antennes relais.
Conscient de sa faiblesse juridique, son arrêté de retrait violant directement la loi, le maire, dans le cadre de la défense suggérée par son conseil, dans le respect des 60 jours de réponse, présenta en défense une QPC fondée sur l’inconstitutionnalité de l’article 222 de la loi Elan.
On précisera que le Conseil Constitutionnel, saisi dans le cadre de la procédure parlementaire, de la loi Elan dans son ensemble, n’avait pas tranché la question précise de l’article 222[26].
Le maire défendeur invoquait la méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen[27], mais aussi la violation de l’article 72 de la Constitution.
S’agissant de la violation de l’article 6 DDH, il considérait que de ces dispositions découlent notamment les principes d’égalité devant la loi et égalité devant la justice, en considérant qu’il y aurait une rupture d’égalité entre le citoyen qui ne peut voir son recours gracieux prospérer auprès du maire, dès lors qu’il est dirigé contre une autorisation d’urbanisme d’implantation d’antenne-relais même si elle est illégale, et celui qui peut voir son recours gracieux prospérer s’il est dirigé contre une autorisation d’implantation d’une infrastructure comparable. Cette situation entraine de facto une rupture d’égalité devant la justice.
L’argument était très développé[28] dans le mémoire QPC : un maire pouvant toujours retirer une autorisation d’urbanisme délivrée pour un hôpital public, une maternelle, un centre social et surtout un mât autre que relatif à une antenne de radiotéléphonie mobile, et les riverains de ce projet pourront exercer une demande de retrait, et démontrer l’illégalité du projet envisagé. En revanche, s’agissant d’une antenne de radiotéléphonie mobile, le maire se voyant interdire tout exercice droit de retrait, et les riverains du projet par voie de conséquence toute demande de retrait de l’autorisation accordée explicitement ou tacitement.
Or selon la jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel :« Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi : « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales[29] ; En l’espèce la distinction entre mats d’antenne de radiotéléphonie mobile et toutes les autres constructions similaires de grande hauteur paraient extrêmement discutable et on cherchera vainement la différence entre une antenne relai (pas droit au retrait) et une éolienne (droit au retrait).
L’opérateur (en défense en QPC) eut la chance d’une précédente transmission de QPC sur cette question par le tribunal administratif de Rennes[30], consacrée par une décision de non transmission[31]. Le conseil d’État écarte en effet l’argument de la violation de l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme, dans une formulation par ailleurs qui pourrait laisser penser qu’elle est discutable sauf à priver le principe d’égalité de tout sens [32], et qu’elle ne serait naturellement pas partagée par le conseil constitutionnel, si ce dernier était saisi.
En tous les cas n’ayant nullement statué sur la conformité de l’article 222 contesté à l’article 72 de la constitution, la QPC de la commune minière de A… reste à ce jour pendante.
En effet, le principe de libre administration des collectivités territoriales[33] découlant de ces dispositions a été jugé comme faisant partie des droits et libertés garantis par la Constitution au sens de l’article 61-1 de la Constitution [34]. Par ailleurs, le juge administratif considère que la libre administration des collectivités territoriales constitue une liberté fondamentale[35] .
Si la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales relève de la loi, l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 disposant que « la loi détermine les principes fondamentaux … de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources », la compétence du législateur est en effet limitée précisément par le principe de libre administration des collectivités territoriales, qui implique l’attribution et le maintien d’un minimum de compétences aux collectivités territoriales, quelque soit l’échelon [36]et la garantie que des organes élus de ces collectivités soient dotés d’attributions effectives [37].
Le Conseil constitutionnel évoque la notion de « compétence propre » des collectivités territoriales[38] . Précisément, l’article 222 de la loi Elan qui ne peut nier qu’il a pour objet spécifique d’interdire aux autorités locales titulaires du pouvoir d’urbanisme d’opérer le retrait des autorisations, tacites ou explicites, qui auraient été données uniquement en matière d’antennes relais, constitue donc, littéralement, une violation des dispositions constitutionnelles de l’article 72 en son dernier alinéa, puisqu’il limite le pouvoir du maire dans « l’exercice de sa compétence». En effet le droit de retrait (comme le droit de refus d’une autorisation d’urbanisme) participe directement du pouvoir constitutionnel, en termes de libre administration des collectivités territoriales, du maire élu de la République.
Aucune justification d’intérêt général ne justifie une telle dérogation au seul profit des opérateurs de téléphonie mobile : en quoi représenteraient-t-ils plus d’intérêt général, voire de service public, que les éoliennes, les hôpitaux, les établissements scolaires, les bâtiments de l’administration pour lesquels on le rappellera aucune restriction au droit de retrait n’existe.
Sur ce point également de l’article 72, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur ne pouvait restreindre la libre administration des collectivités territoriales qu’en cas d’intérêt général[39].
Pour l’instant, le tribunal administratif de Lille continue le débat QPC autour de cette question.
En tous les cas, le « fond », même s’il reprenait avant la date des élections municipales de 2020, ne sera sans doute pas tranché avant ces dernières !
Dans la première affaire, la QPC « tardius » était le fait du requérant au fond, dansles deux autres (antennes-relais) du défendeur (maires), illustrant l’universalisme de la QPC dilatoire à court terme.
En effet, on notera que cette stratégie contentieuse ne vaut que pour gagner quelques mois, à raison même des délais fixés parla loi organique.
Elle constitue cependant un« incident de procédure » de plus, aujourd’hui utilisé parcimonieusement, mais réellement, par les praticiens avertis.
3 Fortius : « aller plus fort »
La QPC a sans doute, à l’expérience servi de « booster »[40] du recours pour excès de pouvoir, dans une sorte de première phase d’une stratégie contentieuse en plusieurs coups.
3.1 QPC, inconventionnalité et erreur manifeste d’appréciation.
La QPC, c’est-à-dire en réalité l'argument d’inconstitutionnalité d’une loi en relation avec l’acte attaqué, peut aussi s’utiliser comme un moyen de plus au service de la démonstration de l’excès de pouvoir.
Par une décision en date du 19 février 2013, le directeur de la réglementation et des libertés publiques par délégation et pour le préfet du Nord annonçait son opposition à l’acceptation d’un legs consenti par une veuve au profit d’une association caritative, handicap Afrique.
Le préfet fondait dans un premier temps cette opposition au motif que l’association Handicap Afrique n’aurait pas la capacité juridique de recevoir des libéralités et ne pourrait en tout état de cause l’utiliser conformément à son objet statutaire. Puis à la suite d’un recours gracieux ajouta que l’association ne réunissait pas les conditions requises par la loi et la réglementation pour correspondre à la catégorie précitée et ne peut ainsi recevoir de libéralités.
Devant le tribunal administratif de Lille l’association requérante soulevait à la fois l’inconventionnalité de la décision d’opposition au legs et l’erreur manifeste d’appréciation.
L’inconventionnalité était considérée comme constitutive d’erreur de droit dans la mesure où la convention européenne des droits de l’homme apporte une protection supplémentaire à la protection nationale du droit de propriété en son article 1er du premier protocole additionnel. De plus et surtout, l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne dispose en son premier alinéa que : « Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général ». En conséquence, la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ayant valeur juridique identique à celle des dispositions des traités européens, une disposition législative pouvait être écartée en cas d‘inconventionnalité. En l’espèce le préfet fondait son droit d’opposition à la libéralité consentie sur l’article 910 du code civil intégré par l’article 111 de la loi du 12 mai 2009, en méconnaissance du droit de léguer librement ses biens, droit protégé par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux précité. Etant donné la primauté du droit de l’Union Européenne telle que consacrée par l’arrêt Costa contre Enel du 15 juillet 1964 par la Cour de Justice des Communautés Européennes à l’époque, le tribunal administratif de Lille, juge de droit commun de conventionalité, ne pourra selon la requérante, que veiller à son respect.
Elle soulevait également l’erreur manifeste d’appréciation dans la décision alors qu’afin d’apprécier si l’association en cause peut bénéficier d’un legs en ce qu’elle a pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale au sens des dispositions de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le Préfet doit vérifier deux critères que sont l’objet statutaire et la nature de ses activités, en l’espèce , selon elle, satisfaites.
Mais dans une logique contentieuse cohérente (question prioritaire) elle déposa dès le début une QPC sur les dispositions législatives de l’article 111 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures en ce qu’elles introduisent un nouvel alinéa à l’article 910 du Code Civil déterminant les conditions du droit d’opposition du préfet aux libéralités consenties aux associations : « Si le représentant de l'Etat dans le département constate que l'organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu'il n'est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité, dans des conditions précisées par décret, la privant ainsi d'effet ».
Elle considérait que le dispositif contesté mis en place par les dispositions de l’article 910 du Code Civil méconnaissait plusieurs droits et libertés garantis par la Constitution. Les dispositions législatives précitées se heurtent au droit à la propriété contenu aux articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à laquelle renvoie le préambule de la Constitution, ainsi qu’à la liberté d’association, principe fondamental reconnu par les lois de la république garantis par le préambule de la Constitution de 1946.
Le juge de la QPC ne transmit pas la question au Conseil d’Etat [41].
Mais rappelant que s’agissant de l’erreur manifeste d’appréciation, le juge administratif exerce en la matière un contrôle normal[42] (et non plus uniquement restreint), le tribunal administratif de Lille, au fond annula la décision du Préfet du Nord[43].
Rien n’interdit de penser que la combinaison de la QPC, non transmise mais posée, de l’inconventionnalité, non retenue mais examinée, et des moyens traditionnels du recours pour excès de pouvoir, a été déterminante dans la solution de fond.
En quelque sorte l’inconstitutionnalité, non reconnue officiellement pourrait très bien accentuer l’erreur d’appréciation, un peu comme l’illégalité accentue parfois l’urgence en référé-suspension.
3.2 la QPC au soutien du REP en matière de liberté individuelle
Même non combinée à l’exception d’inconventionnalité (cf. supra en 2.2.1) à l’expérience la QPC s’est révélée comme une sorte de nouveau cas d’ouverture caché du recours pour excès de pouvoir, qu’elle soit transmise (deuxième exemple)ou non (premier exemple).
Même si elle ne conduit pas à une déclaration d’inconstitutionnalité (non transmise au Conseil d’Etat, premier exemple, non transmise par le Conseil d’Etat au CC, deuxième exemple) elle contribue à l’annulation de la décision attaquée.
Dans deux utilisations de la QPC en matière il est vrai de défense des libertés individuelles, le recours à l’article 61-1 de la Constitution a sans doute contribué à l’annulation de mesures individuelles attentatoires aux droits individuels.
Elles concernaient toutes deux la question de la détention d’armes pour des collectionneurs.
Le premier[44], âgé de 45 ans, dirigeait une agence de gardiennage et d'assistance de sureté et de protection privée, gérant une équipe d’une soixantaine d’agents de sécurité et pratiquant de façon personnelle le tir sportif, disposant d’une licence de la fédération française de tir depuis 2007. Tireur sportif responsable et engagé dans ce loisirs, et a eu, à ce titre, la responsabilité d’animer des stages de la Fédération française de tir. A la suite d’un divorce et sur plainte « pour gifle » de son ancienne épouse, un arrêté préfectoral notifié fin 2016 prononça l’interdiction d’acquisition et de détention d’armes de catégories B, C et D et l’ordre de dessaisissement de ses armes.
Le second [45] vécut dans une autre région quasiment la même histoire : âgé de 56 ans, chevalier de l’Ordre du Mérite Maritime, connu en sa qualité de plongeur marin, chasseur d’épaves, et surtout d’expert judiciaire près la cour d'appel, gérant d’un Cabinet d’expertise et recherches sous-marines, licencié auprès d’un club de tir. Lors d’une succession familiale, il obtenait diverses armes de collection. Il recevait, sans doute à la suite d’une plainte de voisin sans lien avec les armes, un arrêté préfectoral ordonnant le dessaisissement d’armes de catégories C, lequel portait également interdiction d’acquisition ou détention d’armes et munitions B, C et D.
Les deux saisirent le tribunal administratif territorialement compétent.
Dans les deux cas une QPC fut enregistrée, sur le fondement de l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article L. 312-3-1 du Code de la sécurité intérieure instaurées par l’article 23 de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 en vertu desquelles : « L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes des catégories B et C et des armes de catégorie D soumises à enregistrement aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui. », ainsi que des dispositions de l’article L. 312-16 du Code de la sécurité intérieure instaurées également par l’article 23 de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016[46].
Les requérants QPC considéraient que les dispositions législatives contestées se heurtaient à la présomption d’innocence garantie par les dispositions de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, mais également à la liberté individuelle protégée par l’article 2 et 4 de la même Déclaration ainsi que par l’article 66 de la Constitution et 16 de la Déclaration de 1789 imposant un contrôle de l’autorité judiciaire, au droit à une peine nécessaire, adaptée et proportionnée qui doit être prévue par le législateur en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de 1789 et de l’article 34 de la Constitution ainsi qu’au droit aux loisirs visé par l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946.
La force de l’argumentaire suffit à convaincre le tribunal administratif de Lille qui transmit la question au Conseil d’Etat par ordonnance du 16 janvier 2018[47] en relevant une « atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis en méconnaissance du principe de liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui implique le droit au respect de la vie privée. ».
Ce dernier refusa de transmettre au Conseil Constitutionnel par un arrêt du 13 avril 2018[48], considérant qu’aucun des moyens soulevés ne présentait un caractère sérieux.
En conséquence le tribunal administratif de Caen, qui avait implicitement sursis à statuer tant que le Conseil d’Etat n’avait pas tranché la QPC, par une ordonnance en date du 20 juillet 2018[49] rejeta naturellement la demande de transmission.
Pour autant, au fond, les deux tribunaux administratifs annulèrent les décisions attaquées, le tribunal administratif de Caen par un jugement du 16 juillet 2019[50], le tribunal administratif de Lille par un jugement du 20 juin 2019[51], les deux pour erreur manifeste d’appréiaion et avec injonction de réexamen du dossier dans le sens de la décision.
La QPC pourrait donc être regardé comme une sorte de nouveau « moyen » à l’appui du recours pour excès de pouvoir, mais d’un genre particulier, relevant de l’implicite : une « bonne » QPC même si elle n’est pas transmise (affaire Handicap Afrique et affaire S…) ou même si transmise au Conseil d’Etat elle ne l’est pas au Conseil constitutionnel (affaire F…) peut avoir conduit le juge à annuler sur le fondement général de l’erreur manifeste d’appréciation.
Cela n’est pas nouveau et nous avons toujours pensé que le détournement de pouvoir, très rarement retenu de façon manifeste par le juge justifiait, quand il était constitué, l’annulation sur un autre moyen, dans une sorte de fonction latente[52].
3.3 La QPC dans la défense des collectivités locales
La QPC a souvent était utilisée par les collectivités contre l’Etat législateur.
Elle est souvent non transmise, dans une interprétation bienveillante du juge administratif du principe constitutionnel d’égalité devant la loi ou la Justice[53]
Elle peut l’être, en cas d’atteinte au principe de non rétroactivité de la loi de finances ou aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme. Ce fut le cas des nombreuses QPC « TASCOM , à l’encontre des dispositions de l’article 133 de la loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016 selon lesquelles : « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les arrêtés préfectoraux pris au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 constatant le prélèvement opéré sur le montant de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du Code Général des Collectivités Territoriales, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce qu'il aurait été fait application au-delà de 2011 des dispositions du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et de l'article L. 2334-7 du Code Général des Collectivités Territoriales, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ».
Ainsi, comme d’autres intercommunalités en France, trois communautés d’agglomération de la région des Hauts de France enregistrèrent avec succès une QPC devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de ces dispositions[54], le tribunal retenant au moins un des arguments tiré de l’ambigüité de la loi de validation[55].
Le Conseil d’Etat ayant entre temps statué au fond[56], la question se trouva résolue.
Par ordonnance du 19 septembre 2018[57] le tribunal administratif de Lille constata à l’égard de l’intercommunalité ayant maintenu sa requête le rejet de cette dernière.
Mais l’exemple de la TASCOM, où l’enjeu financier pour l’Etat était colossal n’est peut-être pas prégnant pour infirmer la thèse de l’utilité des QPC pour les collectivités locales conter l’Etat législateur.
Il peut en effet advenir qu’indépendamment à nouveau de son rejet, la QPC renforce peut-être l’argumentation au fond.
C’est dans ces conditions que le SIVU d’assainissement des communes de Morbecque et Steenbecque (SIAMS) allait tenter de lutter contre une dissolution absorption sur fond de monopole en matière d’eau.
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) constitue le troisième volet de la réforme des territoires.
Sans entrer dans un débat sans fin, l’on résumera en disant qu’affaiblissant les petites entités locales (commune, petits syndicats) au profit des « grosses » intercommunalités, elle a généré de nombreux contentieux et par voie de conséquences des QPC, notamment en matière de regroupement forcé des anciennes entités locales.
La création du SIVU d’assainissement des communes de Morbecque et Steenbecque (SIAMS) date de 2003. Par arrêté préfectoral en date du 30 mars 2016, le préfet du Nord approuvait le Schéma départemental de coopération intercommunale du Nord (S.D.C.I.) Ce dernier, en ce qui concerne l’évolution de la carte intercommunale du département du Nord, proposait pour l’arrondissement de Dunkerque l’extension du SIDEN SIAN au SIAMS. Cette « absorption » du syndicat local se faisait contre la volonté des communes concernées, puisque lors de la réunion de la formation plénière de la commission départementale de coopération intercommunale (C.D.C.I.), l’amendement présenté par le maire de la commune de Morbecque visant à modifier le projet de schéma afin de ne pas intégrer les communes de Morbecque et de Steenbecque au SIDEN-SIAN agait été rejeté à une très faible majorité. En effet, sur les 44 votants (32 membres présents et 12 pouvoirs), l’amendement a recueilli 37 voix, soit 84 % des suffrages des membres présents. Cependant, pour pouvoir être adopté et modifier le projet de schéma, un amendement doit être approuvé à la majorité des deux tiers des membres de la commission (article L. 5210-1-1 du CGCT). Au surplus, si le quorum a été atteint de justesse (32 membres présent sur les 61 que compte la commission), il n’en demeure pas moins que l’amendement présenté par le Maire de la commune de Morbecque devait obtenir 42 suffrages pour être adopté. C’est donc à cinq voix près, dans une commission vide de presque la moitié de ses membres, alors même que les conseils municipaux des communes concernées avaient voté à l’unanimité contre le projet et malgré le soutien du Sénateur Masclet, rapporteur au sein de la CDCI, que l’amendement avait été rejeté.
Par suite, le préfet du Nord, par un arrêté du 30 décembre 2016, a étendu le périmètre SIDEN-SIAN à celui du SIAMS, qui se trouve de facto dissous. Dès lors, les communes de Steenbecque et de Morbecque, membres du SIAMS, sont devenues de plein droit membres du SIDEN-SIAN.
C’est la décision dont le syndicat « dissous » demandait annulation au tribunal administratif de Lille.
Dans une certaine logique, il enregistrait en premier lieu une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause la constitutionnalité du II de l'article 40 de la loi n° 02015-991 du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République dite loi Notre.
Il considérait que le dispositif contesté des dispositions méconnaissait le principe de libre administration des collectivités territoriales. Aux termes de l'article 72, deuxième et troisième alinéa, de la Constitution, selon lequel «Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences»
Le tribunal administratif de Lille par ordonnance en date du 5 septembre 2017[58] refusa de transmettre en considérant que « le grief tiré de la méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales, qui n’implique d’ailleurs pas la libre organisation des collectivités territoriales, doit être écarté.[59] »
Pour autant, au fond le tribunal administratif de Lille n’a peut–être pas été si insensible à l’argumentation de la libre administration (celle de la QPC) puisque par une moyen relevé d’office le 26 novembre 2019, il informait le syndicat que « le tribunal est susceptible, dans l’affaire citée en référence, de relever d’office le moyen suivant tiré de ce que le tribunal est susceptible d'annuler l'arrêté attaqué avec un effet différé. »
Le rapporteur public, avant l’audience du 3 décembre 2019, concluait, dans le sens de l’erreur de droit développée par le syndicat, à l’annulation totale de l'arrêté attaqué avec effet différé de 6 mois (« erreur de droit des préfets signataires à avoir pris l'arrêté litigieux sur le fondement des dispositions du II de l'article 40 de la loi du 7 août 2015 alors que le projet de réorganisation supposait la disparition préalable du syndicat intercommunal d’assainissement des communes de Morbecque et Steenbecque qui ne pouvait intervenir qu'en application des dispositions du I ou du III de ce même article 40)[60]. »
Le syndicat requérant soulevait que la procédure de fusion prévue au paragraphe III de l’article 40 aurait du être utilisée en lieu et place de la procédure d’extension, et que les modalités d’applications différent en ce qu’elles prévoient notamment le recueil des accords des membres des syndicats et des organes délibérants des syndicats intéressés ainsi que la consultation, par la C.D.C.I., des maires et des présidents des communes et des syndicats intéressées, ceci afin d’éclairer ses délibérations.
Il prétendait enfin que s’il était avéré que ce choix procédural était justifié par la volonté du préfet de se passer de l’accord des membres du SIAMS, et par voie de conséquence de ne pas motiver sa décision, et de ne pas utiliser la procédure du passer outre, alors le moyen serait qualifié de détournement de procédure.
Le tribunal administratif de Lille a suivi son rapporteur public[61], et on constatera qu’entre l’argument d’inconstitutionnalité soulevé en QPC (libre administration) et l’erreur de droit sanctionnée (procédure choisie excluant l’accord des entités préexistantes), la frontière est mince.
Arme procédurale à facettes multiples, pour aller vite comme pour aller lentement, pour combattre un fondement législatif comme pour « booster » les arguments de légalité, la question prioritaire de constitutionnalité s’est révélée un moyen très riche de stratégie contentieuse, bien plus complexe que le seul constat d’inconstitutionnalité.
[1] Manuel GROS, Professeur émérite, CRDP-ERDP (EA n°4487) Université de Lille.
[2] Plus vite, plus lentement, plus fort, trilogie en hommage au « Citius, Altius, Fortius » qui signifie « plus vite, plus haut, plus fort », devise proposée par le Baron Pierre de Coubertin à la création du comité international olympique en 1894 à la Sorbonne.
[3] En ce sens : Gros (M.), « La production d’un quasi-avis contentieux au bénéfice du justiciable », in Cartier (E.) [ss. dir.], coll. Méthodes du droit, Paris : Dalloz, 2013.
[4] Certes les délais officiels moyens sont plus courts (pour exemple, le Tribunal Administratif de Lille a jugé, par exemple, en 2011, 7530 dossiers et le délai prévisible moyen de jugement pour cette même année s’élève à 10 mois et 23 jours, et s’agissant de la Cour Administrative d’Appel, 1793 dossiers ont été jugés en 2011 et le délai prévisible moyen de jugement est de 9 mois et 29 jours), mais il s’agit de moyennes, incluant des dossiers plus courts, mais aussi plus…longs.
[5] Conseil d'État 17 juillet 2009 ministre de l'économie et des finances et de l'industrie/ BECKER, Semaine juridique Administrations et collectivité territoriale-16 novembre 2009 page 37 note Manuel GROS.
[6] Décision de rejet du 27 octobre 2011 ( CrEDH, 27 octobre 2011, Becker et Soliani/ France, req.n° 6773/10.
[7] Conseil d'État 15 avril 2001, association après mine Moselle-est n° 346 042.
[8] précitée.
[9] La Cour administrative d'appel de Nancy a finalement rejeté au fond les recours de l’AMME, mais en examinant les exigences du code minier comme incluant les principes environnementaux dont le défaut était soulevée dans le cadre de la parenthèse « question prioritaire de constitutionnalité » (Cour administrative d'appel de Nancy, 15 mars 2012, n° 10NC 00961, 10NC00962 et 10NC 00992).
[10] Conseil d’Etat, 14 septembre 2011, n° 348 394, M.PIERRE.
[11]Les requérants invoquaient que les dispositions précitées méconnaissaient le droit de propriété constitutionnellement garanti, notamment par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ainsi que les exigences de préservation et d'amélioration de l'environnement et le principe de conciliation posés aux articles 2 et 6 de la Charte de l'environnement, en ce que, en vertu de l'interprétation constante que leur a donnée la jurisprudence, elles excluaient que des parcelles exploitées selon un mode de culture biologique présentent le caractère de terrains à utilisation spéciale devant, sauf accord contraire, être réattribuées à leurs propriétaires, en ce qu'elles ne permettent pas de qualifier l'exploitation selon un mode biologique de nature de culture pour l'appréciation de l'équivalence en valeur de productivité réelle entre les terres apportées et attribuées et en ce qu'elles n'ont pas envisagé, dans l'hypothèse où un propriétaire recevrait des terres exploitées selon un mode conventionnel en échange d'apport de terres exploitées selon un mode biologique, que ce dernier soit indemnisé.
[12] « que toutefois, il peut être tenu compte de ce mode d'exploitation et de la valeur culturale spécifique qui en résulte lors du classement des terres que la commission communale d'aménagement foncier, doit, sur le fondement de l'article R. 123-1 du code rural, effectuer à l'intérieur de chaque nature de culture ; que, par ailleurs, dans l'hypothèse où l'équivalence en valeur de productivité réelle n'a pu être obtenue, la commission communale peut décider d'indemniser, par l'attribution d'une soulte en espèces, le propriétaire des terrains apportés dans lesquels sont incorporées des plus-values transitoires, lesquelles peuvent, le cas échéant, résulter des investissements réalisés pour convertir les terres à l'exploitation selon des méthodes biologiques ; qu'enfin, les règles de fond applicables au remembrement imposent de tenir compte des particularités de l'exploitation en agriculture biologique pour apprécier le respect de l'objectif d'amélioration des conditions d'exploitation ; que les opérations d'aménagement foncier agricole se déroulent dans le cadre d'une procédure dont l'ensemble des étapes est placé sous le contrôle du juge ; qu'au regard de l'ensemble de ces garanties, ni le 5° de l'article L. 123-3 ni l'article L. 123-4 ne portent une atteinte excessive au droit de propriété »
[13] « «Constatant que n'étaient pas remplies les conditions de nouveauté ou de sérieux exigées par la loi organique, la Cour de cassation a décidé qu'il n'y avait pas lieu au renvoi des questions au Conseil constitutionnel», (communiqué.)
[14] Jacques Chirac fut condamné en décembre 2011 à deux ans d'emprisonnement avec sursis pour détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d'intérêts, et n'a pas fait appel. Il était poursuivi pour deux affaires d'emplois fictifs, distinctes à l'origine mais rassemblées dans un seul et même jugement, et portant sur des faits entre 1990 et 1994. Si Alain Juppé avait été condamné en 2004 (dix ans plus tard) en qualité d'ancien adjoint de Chirac, chargé des finances, et de secrétaire général du RPR, le cas de Jacques Chirac avait été disjoint dans l'attente de la fin de son mandat présidentiel, entraînant un jugement correctionnel près de 17 ans après les faits.
[15] « N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones.
Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. ».
[16] CE 16 juillet 2010, req. n°339342.
[17] Décision précitée :« l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, qui ne pose pas un principe général de non indemnisation des servitudes d'urbanisme mais l'assortit expressément de deux exceptions touchant aux droits acquis par les propriétaires et à la modification de l'état antérieur des lieux et qui ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans la décision du 3 juillet 1998, n° 158592A, de faire obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi, n'a par conséquent, pour effet ni de priver le propriétaire, dont le bien serait frappé d'une telle servitude, de la propriété de son bien, ni de porter à cette propriété une atteinte d'une gravité telle que le sens et la portée de ce droit s'en trouvent dénaturés, ni d'exclure tout droit à réparation du préjudice résultant d'une telle servitude[17] ; que par suite, la question soulevée n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ; »
[18] Décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010 Mesdames Isabelle D. et Isabelle B.
[19] Par analogie avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme le requérant QPC rappelait que l’interdiction de construire limite sans conteste le droit des requérants à user de leur bien (CrEDH Sporrong et Lönnroth / Suède, 23 septembre 1982 n° 7151/75 et 7152/75).
[20] Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
[21] « que si le principe d'égalité devant les charges publiques, qui résulte de l'article 13 de la Déclaration de 1789, n'interdit pas au législateur de mettre à la charge de certaines catégories de personnes des charges particulières en vue d'améliorer les conditions de vie d'autres catégories de personnes, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques[21] ; » (pour un rappel récent : décision n° 2015-517 QPC du 22 janvier 2016). Ou encore la décision n°85-198 DC du 13 décembre 1985 dans laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que « cependant le principe d’égalité devant les charges publiques ne saurait permettre d’exclure du droit à réparation un élément quelconque de préjudice indemnisable[21] résultant des travaux ou de l’ouvrage public.
[22]TA Pau, Ordonnance QPC 3 juin 2016, n°1500505, Société H / Commune de L.
[23] Par un jugement en date du 15 novembre 2016, le Tribunal administratif de Pau rejeta la demande d’indemnisation (n°1401535 et 1500505 Société H/ Commune le L), par un arrêt 17BX00151 du 21 février 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux rejeta l’appel, et par l’arrêt n°429484 du 4 octobre 2019, le Conseil d’Etat mit un terme au dossier contentieux.
[24] « Considérant qu’aux termes de l’article L 424-5 du code de l’urbanisme, modifié par LOI n°2014-366 du 24 mars 2014 - art. 134 (V) , « La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions.[24] »
[25] « Article 222 : A titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées.
Cette disposition est applicable aux décisions d'urbanisme prises à compter du trentième jour suivant la publication de la présente loi. Au plus tard le 30 juin 2022, le Gouvernement établit un bilan de cette expérimentation. »
[26] Décision n°2018-772 DC du 15 novembre 2018.
[27] L’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen dispose :
« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
[28] Ce dernier principe découlant des dispositions précitées peut naturellement être invoqué en question prioritaire de constitutionnalité (à titre d’illustration récente: Décision n° 2016-566 QPC du 16 septembre 2016). Le fait de limiter considérablement la catégorie de justiciables pouvant invoquer un moyen de défense est nécessairement censuré par le Conseil Constitutionnel (à titre d’exemple : Décision n° 2015-492 QPC du 16 octobre 2015 Association Communauté rwandaise de France). A ce titre, le Conseil Constitutionnel a considéré comme non conforme à la Constitution une disposition opérant une distinction selon le bénéfice d’une décision définitive ou non dans les moyens pouvant être soulevés, concluant à l’atteinte à l’équilibre entre les parties (Décision n° 2011-112 QPC du 1 avril 2011, Mme Marielle D.)
[29] Décision QPC du 31 juillet 2015, n°2015-479, société GECOP.
[30] Saisi le 13 septembre 2019 par la commune de Locronan, dans des conditions similaires, le tribunal administratif de Rennes, par ordonnance 1904344 du 19 septembre 2019, transmis au Conseil d’Etat.
[31] Conseil d’Etat, décision du 11 décembre 2019 n°434 741, Commune de LOCRONAN/ Orange.
[32] « La différence de traitement, résultant des dispositions critiquées, entre les installateurs d'Antenne radiophoniques mobiles et d'autres équipements tels que les parcs photovoltaïques et des éoliennes, est en rapport direct avec l'objet de la loi qu'il établit est n’est ainsi, pas contraire au principe d'égalité. »
De la sorte comme les cochons d’Orwell à l’égard des autres animaux (Cf. Georges ORWELL « La ferme des animaux » – 1945), les antennes relais sont plus « égales » que les autres installations d’intérêt général !
[33] En vertu de l’article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon.
Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. »
[34] CC, décision du 2 juillet 2010, n°2010-12 QPC, Commune de Dunkerque.
[35] CE, Sect., 18 janv. 2001, Commune de Venelles c/ M. Morbelli, concl. Laurent Touvet, RFD adm., n° 2-2001, pp. 378 à 388).
[36] Cons. const., déc. 29 mai 1990, n° 90-274 DC : Rec. Cons. const. 1990, p. 61 ; RFDC 1990, p. 497, note L. Favoreu ; RDSS 1990, p. 711 , note X. Prétot ; Pouvoirs locaux, déc. 1990, p. 85 et mars 1991, p. 16, note G. Vedel. – Cons. const., déc. 7 déc. 2000, n° 2000-436 DC, Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) : Rec. Cons. const. 2000, p. 176
[38] Cons. const. n° 2000-436 DC, les obligations qui leur sont imposées par la loi SRU ne doivent « ni méconnaître leur compétence propre, ni entraver leur libre administration »).
[39] Décision du 8 juillet 2011 °2011-146 QPC, Département des Landes.
[40] Le « booster » terme anglais est techniquement un propulseur destiné à accroître la poussée d'un lanceur spatial, principalement au début de l’ascension » de la fusée et le verbe booster, dans un sens familier, est un verbe transitif signifiant « stimuler, développer, renforcer ».
[41] TA Lille Ordonnance du 17 février 2014, n°1307070. Association Handicap Afrique/ Préfet du nord.
[42] CE 30 décembre 2009, req. n°297433.
[43] TA Lille Jugement du 21 juin 2016, n°1307070, Association Handicap Afrique/ Préfet du Nord.
[44] Tribunal administratif de Lille, Instance n°170030-4 Monsieur F…. / Préfet du Nord
[45] Tribunal administratif de Caen Instance n°1701718-1, S… / Préfet de la Manche.
[46] « Un fichier national automatisé nominatif recense :
1° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes en application des articles L. 312-10 et L. 312-13 ;
2° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories B et C et des armes de catégorie D soumises à enregistrement en application de l'article L. 312-3 ;
3° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories B et C et des armes de catégorie D soumises à enregistrement en application de l'article L. 312-3-1.
Les modalités d'application du présent article, y compris la nature des informations enregistrées, la durée de leur conservation ainsi que les autorités et les personnes qui y ont accès, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
[47] TA Lille, Ordonnance du 16 janvier 2018 n°1700030, Monsieur F…,
[48] Conseil d’Etat 13 avril 2018, QPC n°417447, Monsieur F…
[49] TA Caen, Ordonnance du 20 juillet 2018, 5ème et 6ème chambres réunies, n°1701718, Monsieur S.../ préfet de la Manche.
[50] TA Caen 16 juillet 2019, n° 1707718 et 1800537, Monsieur S.../ préfet de la Manche.
[51] TA Lille, jugement du 20 juin 2019 n°1700030, Monsieur F…/ préfet du Nord.
[52] Manuel GROS, "Fonctions manifestes et latentes du détournement de pouvoir » revue du droit public 1997 pp 1237 à 1253.
[53] Par exemple Conseil d’Etat, Décision 434 741 du 11 décembre 2019 Commune de LOCRONAN/ Orange ou cour administrative d’appel de Douai Petit et autres, 6 octobre 2015 n°15DA00340 QPC
[54] Tribunal administratif de Lille, ordonnance du 15 juin 2017, requêtes n°1606805 ; N°1607334 ; N°150312communauté d’agglomération de Cambrai, communauté de communes du Caudresis et du Catesis, communauté d’agglomération de Lens lievin ,
[55] « En ce qui concerne la compatibilité du dispositif par rapport aux dispositions des articles 2 et 17 de la dite déclaration, il convient de souligner qu’au regard de la jurisprudence du conseil constitutionnel, il est de la nature même d’une loi de validation que celle-ci puisse porter atteinte aux garanties constitutionnelles telles que, comme cela est invoqué par les collectivités requérantes, le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ou le droit de propriété, à la stricte condition cependant qu’un motif impérieux d’intérêt général, au fondement de la loi de validation, existe. Ce motif impérieux d’intérêt général peut se déduire s’agissant de la disposition litigieuse par la volonté du législateur de mettre fin à une incertitude juridique, source d’un abondant contentieux, celle-ci reposant tant sur la nécessité d’éviter la multiplication des contentieux indemnitaires en la matière que sur la nécessité d’éviter le désordre qui s’en suivrait dans la gestion des finances publiques, en cas de succès de ces derniers. L’ambiguïté de la situation résultant en l’espèce de l’interprétation jurisprudentielle donnée de l’article 77 de la loi de finances pour 2010 a pu générer dans la chef des structures territoriales destinataires une forme de créance vis-à-vis de l’Etat et une atteinte potentielle dans leur droit de propriété sans que soit démontré la présence d’un motif impérieux d’intérêt général. Dès lors sur ce seul point, non tranché à ce jour par le Conseil constitutionnel, et le caractère sérieux de la question étant admis, il y a lieu de transmettre la question dont il s’agit au Conseil d’Etat »
[56] L’arrêt du 9 mars 2018, communauté de communes du pays roussillonnais, requête n°405535, confirma la position de la cour administrative d’appel de Lyon annulant le jugement du tribunal administratif ayant condamné l’Etat en responsabilité du fait de la loi de Finances, et mit fin au fond.
[57] Tribunal administratif de Lille 19 septembre 2018, n°1503121, Communauté d’agglomération de Liévin Carvin .
[58] Tribunal administratif de Lille ordonnance 5 septembre 2017 n°1701921, SIAMS/ préfet du Nord.
[59] « Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat intercommunal d'assainissement des communes de Morbecque et Steenbecque en tant qu'elle met en cause la constitutionnalité du II de l'article 40 de la loi n° 02015-991 du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République ».
[60] Sens des conclusions du rapporteur public communiqué avant l’audience du 3 décembre 2019.
[61] Tribunal administratif de Lille, jugement du 31 décembre 2019, 1707921 SIAMS/ préfet du Nord.