Les responsabilités des maires1 au regard du changement climatique (II)
Manuel GROS
Professeur à l'Université de Lille2
Avocat au barreau de Lille
Résumé du I La responsabilité pénale spécifique est encore en voie de développement, et difficilement applicable au changement climatique, faute de texte et donc d’infraction.
Un principe de responsabilité civile difficile , faute de dommage écologique et de lien de causalité
La mise en œuvre de la responsabilité civile ou patrimoniale des maires (c’est-à-dire cette fois des communes et non des personnes) a pour objectif de réparer un dommage causé à un tiers, à ses biens ou à ses intérêts. Cette obligation de réparation peut résulter soit de l'inexécution d'un contrat (responsabilité contractuelle), soit d'une action qui cause un dommage à autrui. (extracontractuelle ou encore quasi délictuelle), dans les deux cas selon des principes jurisprudentiels distincts des dispositions du Code civil.
Mais, préalablement, encore faut-il s’entendre sur la définition du dommage environnemental, pour qu’il soit question d’une véritable responsabilité environnementale.
Pour qu’il y ait responsabilité (civile ou administrative) les trois éléments constitutifs suivants doivent être réunis : un fait générateur (fait, acte ou omission), un dommage certain, réel et évaluable financièrement, un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.
C'est à la victime d'apporter la preuve du lien de causalité. On pourrait se demander s’il y a une victime ? (personne inondée, cancer du poumon, personne âgée décédée d’une canicule…) ce qui est concevable sans être évident, et un lien de causalité (changement climatique) ce qui est presque impossible.
En passant outre cette double difficulté préalable, existe-t-il un dommage écologique ou environnemental spécifique qui puisse justifier l’existence de ce que l’on pourrait qualifier de responsabilité environnementale en général, et liée au changement climatique en particulier?
Le droit français est en général hostile aux tentatives ou velléité d’autonomie des disciplines juridiques. Pour autant le concept de « dommage écologique » a petit à petit fait son apparition dans le vocabulaire, notamment à partir des années 1970. Dans cette approche, le dommage écologique, c’est quasiment tout dommage de pollution, et c’est un dommage causé par l’homme à son environnement. Dans cette conception « collective » du dommage écologique, certains envisageaient même la reconnaissance d’un dommage direct à l’environnement pris comme une victime en soi d’un trouble, indépendamment d’une personne physique ou morale invoquant un préjudice. On parle alors de «préjudice écologique pur » Une autre approche du dommage environnemental ou écologique est plus patrimoniale et envisage de donner à chacun le droit de protéger l’environnement en lui reconnaissant un droit subjectif à l’environnement.
Un autre élément de compréhension du dommage écologique, qui fait aussi, d’une certaine manière, sa spécificité, est son caractère le plus souvent irréversible : les pollutions, les atteintes aux biotopes ou aux espèces animales en voie de disparition, les effets radioactifs à durée indéterminée, sont souvent irréversibles à la différence des dommages ordinaires. D’un autre côté, en droit de la responsabilité civile générale, la mort est un phénomène irréversible, qui est compensée par le versement d’une indemnité dite compensatoire.
En d’autres termes, la définition théorique du dommage écologique n’est guère aisée et de nombreuses écoles s’affrontent, de la conception subjective et individualiste à l’approche objective et collective de ce dommage.
Mais si l’on quitte le terrain purement théorique pour s’intéresser à la réalité contentieuse de la responsabilité environnementale, on doit constater qu’en dehors des grandes catastrophes c’est plutôt la conception subjective et individualiste qui prédomine en droit français.
Or pour le changement climatique, le dommage spécifique environnemental indemnisable est donc celui qui est causé à une personne ou un bien par le milieu dans lequel ils vivent ou se situent : des nuisances de voisinage au niveau des éléments (air, terre, eau), des dommages aux ouvrages et habitations ou immeuble (pollutions, assèchements, affaissements…), des atteintes à la santé humaine ou à l’intégrité des personnes physiques, etc…
Faute de contenu précis à ce dommage et faute de preuve du lien de causalité avec ce réchauffement, il est difficile d’avancer sans texte créant ce contenu et présumant le lien de causalité.
1- On étendra les présents propos à tous les exécutifs locaux, notamment les Présidents d’intercommunalités