Les responsabilités des maires1 au regard du changement climatique (I)
Manuel GROS
Professeur à l'Université de Lille2
Avocat au barreau de Lille
Telle que formulé, au regard de la seule conduite du changement climatique, le sujet est quasiment intraitable.
En effet déjà la condition de base de la responsabilité « juridique », celle du préjudice direct et certain manque : est-on certain qu’il existe un préjudice du fait de la « conduite du changement climatique » , et au cas particulier des maires des communes?
A supposer que oui, quel est-il ? Quel lien de causalité à établir avec qui ? Sur quel fondement textuel ou jurisprudentiel ? Devant quel juge ?
Mais en partant de l’hypothèse qu’une telle responsabilité soit possible, cela n’éliminerait pas la difficulté :
D’une part, il n’existe pas une responsabilité en matière environnementale, mais des responsabilités, dans une première distinction entre la responsabilité pénale dans laquelle la société entend réprimer un comportement, et d’autre part la responsabilité « civile » au sens large, où une victime d’un préjudice entend obtenir réparation de ce dommage..- Au sein de cette dernière (responsabilité civile ou patrimoniale) il convient également de distinguer, les procédures, les juridictions, et, les fondements étant différents. S’agissant des maires, c’est de la -la responsabilité « extracontractuelle», qualifié parfois de «quasi délictuelle », voire de « délictuelle», appelée responsabilité « administrative » – pourtant « civile » dans son fondement devant les juridictions administratives dont il s’agit.
D’autre part, il n’existe pas aujourd’hui réellement de responsabilité spécifique en matière d’environnement, appliquée à la question du réchauffement climatique.
De la sorte, la responsabilité pénale étant dans l’attente d’un texte fondement de l’infraction (I), la responsabilité « civile » s’avérant difficile au niveau du préjudice et du lien de causalité (II), l’on ne pourra qu’évoquer quelques pistes des responsabilités administratives en la matière (III).
I - Une responsabilité pénale spécifique encore en voie de développement, et difficilement applicable au changement climatique, faute de texte et donc d’infraction:
En droit pénal, le principe de légalité des délits et des peines dispose qu'on ne peut être condamné pénalement qu'en vertu d'un texte pénal précis et clair (en vertu de l’adage, Nullum crimen, nulla pœna sine lege)..
Cette règle s’applique naturellement en matière environnementale et il n’existe donc de responsabilité pénale possible que lorsque l'on commet une infraction à la réglementation. Les sanctions sont elles aussi prévues par les textes.
Or il n’en existe pas (encore) applicable à une infraction « de responsabilité dans le changement climatique ».
Il est vrai que selon l’article L 121-3 du Code pénal : « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. » Au titre de cet article, le délit de mise en changeait d’autrui pourrait être théoriquement envisagé en matière de réchauffement climatique dès lors que, en application du texte serait « commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.( L121-3 précité »
Mais peut on envisager que le fait pour une collectivité publique (déchetterie, incinérateurs, compostage …) ou pour un maire de laisser par exemple le développement d’un process « à effet de serre » soient qualifiés de « faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer » ? En l’état du droit nous ne le pensons pas, et le parallèle avec des responsabilités pénales liées à des catastrophes à effet immédiat (ex la Faute sur mer) ne peut selon nous pas s’appliquer au réchauffement climatique.
Il faudrait donc admettre l’hypothèse du vote d’une loi créant un délit spécifique ou un d’un décret instituant une contravention. Théoriquement alors, les personnes physiques à l’origine de l’infraction, c’est-à-dire les maires, et depuis la réforme du Code pénal, les personnes morales, c’est-à-dire les communes (dans la limite des activités susceptibles d’être déléguées, ce qui exclut la police municipale dont l’inaction face au réchauffement climatique pourrait être pourtant cause de responsabilité), peuvent être pénalement responsables.
Hors cette réserve des personnes morales, la responsabilité pénale personnelle d’un maire ne poserait pas de difficulté théorique dès lors que l’on pourra déterminer l’infraction (par exemple « contribution à l’aggravation des conséquences du changement climatique »)
Mais en résumé, faute de texte spécifique incluant dans le code pénal une infraction (crime, délit ou contravention) en liaison avec le « changement climatique » la responsabilité pénale environnementale, même embryonnaire, est aujourd’hui inapplicable.
1-On étendra les présents propos à tous les exécutifs locaux, notamment les Présidents d’intercommunalités