Une commune envisage de transférer une voie privée ouverte à la circulation publique dans le domaine public communal afin de l'aménager ou à tout le moins de refaire la chaussée sur cette voie. Il s'agit d'une voie de desserte d'une résidence privée, reliée en un seul point à la voie publique (impasse) mais dont l'accès est libre.
La commune souhaite savoir si elle peut légalement entreprendre des travaux sur cette voie affectée au seul usage des riverains, si elle peut obtenir la propriété de cette voie et si une expropriation est nécessaire.
Solution par Maître Manuel GROS
Après un examen préliminaire du statut juridique de la voie (I) et détermination de la personne morale chargée de son entretien (II) il sera possible d'envisager les cadres juridiques possibles à la réalisation de travaux.(III)
I- LE STATUT ACTUEL DE LA VOIE :
A défaut de plus d'informations, il semble que la voie ait le statut d'une «indivision forcée » entre les propriétaires riverains (Cass, 3ème civile 26 novembre 1970, Morin, GP 71-1-251). La notion de « voie privée ouverte à la circulation publique », d'origine jurisprudentielle, présente un caractère de pur fait, à l'appréciation du juge du fond, qu'ils s'agisse du juge administratif (à l'occasion par exemple de l'examen de la légalité d'un arrêté de police (Conseil d'Etat 28/1/59 Ville de Versailles, D.A 59 n°66) ou du juge judiciaire (T correctionnel de Montbéliard, 25/5/62, D .62 page 714). Le critère retenue est celui du consentement du (ou des) propriétaires de la voie ! Ce consentement pouvant être tacite, on peut considérer qu'à défaut de panneaux et de clôture, il y a acceptation tacite - même des opposants au transfert dans la voirie publique - de l'ouverture à la circulation publique !
II- LA CHARGE DE L'ENTRETIEN :
L'entretien des voies privées est à la charge des propriétaires privés, la collectivité doit en revanche en assurer l'entretien si la voie est ouverte à la circulation publique. Il ne semble pas possible de forcer le propriétaire d'une voie privée à effectuer des travaux, sauf en cas de désordre incombant sur l'hygiène.
III- LA REALISATION DE TRAVAUX :
On distinguera une procédure certaine mais longue devant le juge judiciaire, la procédure « mixte» de l'article L 171-12 du code de la voirie routière et la procédure de classement dans la voirie communale.
La première solution, la procédure en autorisation de travaux sur indivision est très longue mais assurée. La seconde, les travaux d'office au titre de la procédure d'assainissement d'office de l'article L171.12 du code de la voirie routière, nécessite de nombreuses conditions cumulatives qui, à moins d'être déjà réalisées, ne se réaliseront qu'après une très longue procédure. Enfin la dernière hypothèse, les travaux après classement dans la voirie communale apparait comme le seul moyen (en dehors de la vente, de la préemption ou de l'expropriation) de transférer la propriété de la voie à la commune. La procédure d'office de classement est à écarter au profit de celle prévue à l'article L318-3 du code de l'urbanisme, qui ne s'applique qu'aux voies privées comprises dans un ensemble d‘habitation, mais c'est précisément le cas en l'espèce. En l'espèce, à défaut d'accord unanime, le transfert sera prononcé par décret en Conseil d'Etat.
Le transfert vaut classement dans le domaine public de la commune et évite donc la procédure d'expropriation.
Pour plus d'informations voir « "Travaux forcés" communaux sur voie privée », Manuel Gros, Droit et patrimoine, n° 86, octobre 2000, pp. 64-66